Mise à jour : juin 2021
Michel Bacou, Chargé d’études risques naturels – Cerema
Christophe Moulin, Département Risques Eau Construction – Service vulnérabilité et gestion de crise – Cerema
Sommaire :
La problématique du ruissellement pluvial urbain et périurbain est une préoccupation forte des élus et sa résolution est souvent complexe :
- sur le plan technique, face à une augmentation notoire de la vulnérabilité au cours de ces dernières décennies, aggravée en cas d’urbanisation et d’aménagements insuffisamment maîtrisés mais aussi avec, parfois, l’évolution des pratiques agricoles ;
- sur le plan économique, car augmenter le niveau de protection des aménagements existants représente souvent des coûts très importants ;
- sur le plan décisionnel, compte tenu d’une multiplicité d’acteurs et donc de responsabilités, ce qui implique par ailleurs non seulement des questions d’information mais aussi et surtout de concertation.
En outre, il est délicat de bien définir le ruissellement pluvial, et de séparer ce qui relève de la gestion des eaux pluviales de ce qui relève de problématiques d’inondations à part entière justifiant des outils différents.
Quelle que soit la manière dont on choisit de définir ce qu’est un cours d’eau (figurant sur une carte IGN, au sens de la police de l’eau, au sens historique local…), on peut qualifier des phénomènes de ruissellement lorsqu’ils se produisent sans cours d’eau reconnu à proximité. La taille des bassins versants concernés est souvent réduite, de moins de 1 km² à quelques km². Les écoulements sont sensibles à de petites différences de niveau au sol, telles celles liées à un trottoir ou un dos d’âne.
Après une présentation sommaire de la manière d’appréhender le phénomène et de le traiter, la présente fiche décrit les principaux outils pouvant être mis en œuvre par les communes ou leurs groupements dans le cadre d’une gestion administrative de ce risque. Elle ne traite pas du contexte technico-administratif de réalisation des ouvrages de protection qui fait l’objet d’une fiche spécifique du Mémento.
1 Comment prendre en compte le ruissellement pluvial (urbain et périurbain) ?
1.1 Considérations générales
Sur le plan technique, il convient tout d’abord de bien distinguer :
- ce qui relève du phénomène d’inondation provoqué par le débordement de cours d’eau, qu’ils soient permanents ou intermittents (comme les torrents), du fait d’un développement urbain ayant envahi progressivement leur espace de liberté, de leur chenalisation, voire de leur mise en canalisation souterraine, ou d’autres situations aujourd’hui inadaptées au vu des objectifs de protection des biens et des personnes,
- de ce qui relève véritablement du ruissellement urbain et du ruissellement périurbain, du fait de divers facteurs tels que l’imperméabilisation des sols, les modifications apportées aux conditions de cheminement des eaux (suite par exemple au tracé de nouveaux axes de circulation superficielle ou à la réalisation de réseaux d’eaux pluviales), le développement de nouvelles pratiques culturales, etc., ce qui contribue par ailleurs à accroître le débit des cours d’eau en aval.
Il faut également avoir conscience que :
- les périodes de retour utilisées dans le passé pour le dimensionnement des réseaux d’assainissement pluvial ont souvent été de l’ordre du décennal, parfois plus, pour les émissaires principaux. Si ce n’est pas aberrant sur le plan économique, cela impose en contrepartie de se préoccuper des mesures de prévention à mettre en œuvre pour des évènements d’occurrence plus faible, donc avec des débits attendus plus importants ;
- le couvert végétal contribue à assurer une protection directe du sol par réduction de l’énergie pluviale, à piéger et à retenir les sédiments, à redistribuer les précipitations par évapotranspiration et infiltration ; selon sa nature, le couvert aura donc un impact plus ou moins important : ainsi une reprise de l’érosion hydrique est généralement constatée après incendie ou après coupe rase sur versants pentus. Une crue sera plus ou moins écrêtée en fonction du couvert végétal et selon l’intensité et la durée des précipitations, au moins jusqu’à un certain niveau comme le fait tout dispositif de protection (un effet de seuil étant généralement constaté à partir d’une fréquence comprise entre le décennal et le cinquantennal pour un couvert forestier) ;
- une mauvaise gestion des eaux superficielles peut induire divers problèmes, suite à des rejets dans des exutoires inadaptés ou suite à des infiltrations incompatibles avec la nature des terrains, ce qui peut alors provoquer des nuisances pour les propriétés voisines du fait d’une perméabilité insuffisante ainsi que, le cas échéant, une aggravation du risque de glissement de terrain ou du phénomène de retrait-gonflement des argiles.
Une bonne prise en compte du risque de ruissellement pluvial sur un territoire donné suppose l’intégration des différents phénomènes naturels susceptibles de concerner ce territoire (ainsi par exemple les mouvements de terrain, très sensibles également aux excès d’eau) afin d’éviter la mise en œuvre de solutions incomplètes ou incompatibles entre elles.
1.2 Etudes préalables nécessaires
Les considérations précédentes montrent la nécessité de disposer d’études de base portant :
- d’une part, sur l’évacuation des eaux pluviales urbaines soit par infiltration à la parcelle soit par le réseau pluvial, ce qui implique notamment un relevé détaillé du tracé des canalisations et ouvrages annexes, la définition des apports actuels et futurs, l’examen de l’aptitude des couches superficielles et profondes des sols à l’infiltration, l’analyse du fonctionnement du réseau avec ses éventuelles déficiences, l’examen des modalités d’écoulement des eaux excédentaires jusqu’à l’évènement au moins centennal (d’où la nécessité de disposer d’une topographie suffisamment précise au moins des zones urbanisées), etc.,
- d’autre part, sur les différents aléas avec une étude et une cartographie multirisques, s’appuyant systématiquement sur une analyse historique des évènements ayant concerné le territoire communal et sur des études techniques allant d’une approche « terrain » de type naturaliste, menée par un expert qualifié, à des modélisations hydrauliques précises lorsque les enjeux le justifient ; la méthode Exzeco[1] développée par le Cerema peut être mise à contribution pour disposer d’une première cartographie des zones concernées[2].
[1] Cerema. (2020). Modélisation du ruissellement sur les bassins versants : la méthode ExZEco du Cerema pour identifier les zones d’écoulement : https://www.cerema.fr/fr/actualites/modelisation-du-ruissellement-bassins-versants-methode
[2] Dans certaines zones, les modélisations Exzeco sont déjà disponibles librement et gratuitement. Cf https://www.cdata.cerema.fr/
1.3 Actions possibles
La connaissance des études et expertises menées, y compris celles portant sur le ou les cours d’eau traversant son territoire d’une part, et la prise en compte des actions déjà menées ou susceptibles de l’être par les autres acteurs actuels ou potentiels (établissements publics de coopération intercommunale (EPCI,) syndicats de bassin, etc.) d’autre part, devraient permettre à une commune en fonction de son degré de vulnérabilité de définir et d’orienter au mieux les actions à entreprendre, par exemple :
- la prise en compte dans l’urbanisme à l’occasion de l’élaboration ou de la révision du plan local d’urbanisme (PLU), notamment la délimitation de zones inconstructibles (par exemple : zones particulièrement sensibles telles que pieds de versant, axes des talwegs, etc., emprises d’ouvrages de régulation naturelle ou provoquée, cuvettes, etc.), la destination de zones amenées à être inondées pour les évènements importants, la réglementation des constructions avec une attention particulière en ce qui concerne les côtes des niveaux habitables, l’utilisation des sous-sols, la destination des locaux, la maîtrise de l’imperméabilisation, etc. ;
- la mise à niveau et l’adaptation des équipements et aménagements publics ou collectifs (sans oublier le recours aux techniques dites alternatives) : mise en place de bassins de rétention, aménagement des voiries et espaces publics, résorption des « points noirs » hydrauliques, etc. ; le but est d’optimiser le fonctionnement du réseau actuel à moindre coût, voire à l’améliorer dans la mesure du possible ;
- identifier les cheminements de l’eau, notamment sur les voies de circulation, pour aménager ces voies en conséquences, informer les riverains, et fermer ces axes avant la montée des eaux (cf. les fiches DGv sur vigilance, alerte et secours et la fiche R10 – Traitement au niveau local de la vigilance et de l’alerte) ;
- la mise en œuvre d’actions de ralentissement dynamique au niveau du bassin versant amont par action si possible combinée de petits ouvrages de stockage temporaire et d’épandages sur les coteaux et de dispositifs de rétention en lit majeur (à noter cependant que le laminage de crue, c’est-à-dire une répartition plus étalée dans le temps des volumes écoulés, efficace pour des évènements de fréquence moyenne à rare, est mieux adapté aux bassins versants de plaine qu’aux bassins versants de forte pente soumis à des crues rapides) ;
- la mise en œuvre d’actions de lutte contre l’érosion des sols en milieu agricole ou forestier dans le bassin versant amont, après concertation notamment avec les organisations professionnelles (Chambre d’agriculture (CA), Centre régional de la propriété forestière (CRPF), syndicats locaux) ;
- la mise en place, si nécessaire au vu du niveau de danger redouté, d’un dispositif spécifique de prévision, de vigilance et d’alerte, en lien avec le gestionnaire du réseau d’assainissement et en cohérence avec le schéma directeur de prévision des crues ;
- la préparation à la gestion de crise par le biais d’un plan communal de sauvegarde (PCS) s’appuyant sur les prévisions disponibles (qui peuvent être : Vigilance Météo France, Vigicrue et Vigicrue Flash, APIC, sites Extranet Météo France, sorties de modèles météo grand public, systèmes d’alerte locaux, etc.) ;
- le cas échéant, selon la problématique et les enjeux, une demande de réalisation par l’État d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) ;
- l’information préventive, notamment à l’attention des habitants les plus concernés par le risque et donc par l’adaptation éventuelle de leurs logements (avec appui technique et financier correspondant).
Les documents suivants fournissent un éclairage sur les actions pouvant être menées tant globalement par la collectivité qu’individuellement par les habitants menacés :
- le premier, réalisé par le ministère en charge de l’Environnement, décrit d’abord le phénomène de ruissellement puis analyse comment le prendre en compte au niveau d’une collectivité avant de présenter les principaux outils disponibles ainsi que les enseignements tirés de l’expérience de 5 d’entre elles ;
- le deuxième, initié par le même ministère, décrit un ensemble de travaux de prévention vis-à-vis des inondations lentes et éclaire les professionnels sur les travaux les plus pertinents à choisir au vu de la situation de la construction et des attentes du maître d’ouvrage ;
- le troisième, réalisé par le Cerema sous la maîtrise d’ouvrage de la mission interrégionale pour la coordination de la prévention des risques d’inondation sur l’arc méditerranéen qui comporte un ensemble de fiches pratiques, propose des actions à réaliser concrètement sur le territoire.
MEDAD, Collectivités locales et le ruissellement pluvial. (Les). DPPR SDPRM. PARIS, 2006. http://www.side.developpement-durable.gouv.fr/ACCIDR/doc/SYRACUSE/43750/collectivites-locales-et-le-ruissellement-pluvial-les
METL et MEDDE, Référentiel de travaux de prévention de l’inondation dans l’habitat existant. MEDDE. La Défense, 2012. http://www.side.developpement-durable.gouv.fr/ACCIDR/doc/SYRACUSE/675358/referentiel-de-travaux-de-prevention-de-l-inondation-dans-l-habitat-existant
Cerema, « Gestion du ruissellement dans l’arc méditerranéen ». 2018. http://www.paca.developpement-durable.gouv.fr/4eme-etape-le-rendu-de-l-etude-a11647.html
2 Outils administratifs pour une bonne gestion des eaux
2.1 Schéma de gestion des eaux pluviales
Le schéma de gestion des eaux pluviales, bien que non encadré par des textes réglementaires, peut s’avérer central dans la gestion du ruissellement. Il comporte généralement les étapes suivantes :
- une étude préalable de cadrage ;
- un diagnostic du fonctionnement actuel des réseaux d’eaux pluviales et unitaires ;
- une identification des pressions à venir (démographiques, foncières) ;
- l’élaboration du volet « eaux pluviales » du zonage d’assainissement ;
- un programme d’actions préventif et/ou curatif.
Ces étapes sont nécessaires mais souvent insuffisantes. En effet, pour gérer le ruissellement, le schéma devrait également comporter les points suivants :
- un diagnostic du réseau des écoulements de surface (lorsque le réseau « normal » – canalisations et fossés – est saturé), comprenant une étude des aléas ;
- une analyse des évènements comprenant, en plus des évènements fréquents, tels que ceux qui ont conduit généralement au dimensionnement du réseau pluvial, des évènements moyens à rares ;
- une liste d’adaptations des documents réglementaires, tels que PLU, PCS, PPR, DICRIM etc.
GRAIE, Éléments pour l’élaboration d’un Schéma Directeur de Gestion des Eaux Pluviales adapté au contexte global. 2011.http://www.graie.org/portail/elements-lelaboration-dun-schema-directeur-de-gestion-eaux-pluviales-adapte-contexte-local/
2.2 Zonage assainissement et eaux pluviales
Le zonage, accompagné d’une notice le justifiant et, le cas échéant, de l’évaluation environnementale, est approuvé après enquête publique menée par le maire ou le président de l’EPCI (articles L.2224-10 et R.2224-6 à 21 du Code général des collectivités territoriales) et il est souhaitable dans un souci de cohérence que cette démarche soit effectuée simultanément à celle du PLU.
La collectivité va délimiter, au vu des études techniques et économiques préalablement menées :
- les zones d’assainissement collectif où elle est tenue d’assurer la collecte des eaux usées domestiques et le stockage, l’épuration et le rejet ou la réutilisation de l’ensemble des eaux collectées ;
- les zones relevant de l’assainissement non collectif où elle est tenue d’assurer le contrôle de ces installations et, si elle le décide, le traitement des matières de vidange et, à la demande des propriétaires, l’entretien et les travaux de réalisation et de réhabilitation des installations d’assainissement non collectif ;
- les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l’imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l’écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ;
- les zones où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu’elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l’efficacité des dispositifs d’assainissement.
Il apparaît important, avant d’arrêter un choix, de ne pas oublier d’examiner également, si les sols sont sensibles aux mouvements de terrain, les incidences d’une éventuelle infiltration des eaux pluviales et des eaux usées ainsi qu’en cas de rejets dans des talwegs, fossés et cours d’eau les conditions d’écoulement des débits de pointe à l’aval et l’éventualité de facteurs érosifs associés (pouvant en outre faciliter la création d’embâcles).
Par ailleurs, afin notamment de bien distinguer les écoulements dangereux pour la sécurité publique de ceux créant seulement des dommages plus ou moins importants aux biens, l’analyse doit être prolongée jusqu’à une période de retour correspondant au moins à l’aléa de référence d’un éventuel PPR, soit bien au-delà des fréquences de pluie habituellement retenues pour le dimensionnement d’un réseau d’assainissement pluvial. La norme européenne NF EN 752-2, relative aux réseaux d’évacuation, préconise par exemple des fréquences de mise en charge de 1 par an pour les zones rurales, de 1 tous les 5 ans pour les centres-villes, les zones industrielles et commerciales. Cette même norme donne des exemples de périodes de retour d’inondations dues à un remplissage total du collecteur de projet pour eaux d’inondations stagnantes : 1 an pour les routes ou espaces ouverts éloignés des bâtiments, 5 ans pour les routes ou espaces ouverts proche de bâtiments, 10 ans dans des bâtiments occupés (sauf sous-sols).
Cerema, Zonage pluvial – De son élaboration à sa mise en œuvre. 2020. https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/zonage-pluvial
2.3 Plan local d’urbanisme
Le plan local d’urbanisme (PLU) est un outil réglementaire permettant d’agir à plusieurs niveaux :
- il peut interdire des occupations et utilisation du sol dans les secteurs identifiés comme secteurs à risques (lors de la proximité de talwegs par exemple) ou dans les secteurs d’expansion des ruissellements ;
- il peut soumettre ces secteurs à des conditions particulières ;
- il peut classer des éléments ayant un intérêt hydraulique (mare, talus, bosquets…) ou des aménagements prévus en élément du paysage (aménagements doux par exemple) ou espace boisé classé ; il peut prévoir également prévoir des emplacements réservés pour ces éléments ;
- il intègre les zones définies dans le zonage d’assainissement (cf. paragraphe 2.2).
GRAIE, Guide pour la prise en compte des eaux pluviales dans les documents de planification et d’urbanisme. 2014.
2.4 Plan communal de sauvegarde
Le plan communal de sauvegarde (PCS) peut intégrer des éléments issus du schéma de gestion des eaux pluviales :
- des points de débordements recensés peuvent être inspectés avant les évènements (dès lors qu’une vigilance météorologique est émise par exemple) ;
- des tronçons de voirie peuvent être surveillés puis fermés à partir d’un certain seuil ;
- des zones ou des enjeux pouvant comporter potentiellement des hauteurs d’eau importantes pourraient devoir être évacuées.
fiche R8 – Plan communal de sauvegarde (PCS)
2.5 Mise en place d’un service administratif de gestion des eaux pluviales urbaines, et lien avec la GEMAPI
Bien que de nombreuses collectivités aient déjà en charge la question de la gestion des eaux pluviales, elles peuvent mettre en place, à l’échelon communal ou intercommunal, un service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines (articles L.2226-1 du code général des collectivités territoriales).
Depuis le 1er janvier 2018, le « bloc communal » s’est vu attribué une compétence « GEMAPI » (gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations) par la loi dite MAPTAM (modernisation de l’action publique territoriale et l’affirmation des métropoles) du 27 janvier 2014. Les missions GEMAPI sont définies au 1°, 2°, 5° et 8° de l’article L.211-7 du code de l’environnement. Elles excluent donc le 4° « La maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou la lutte contre l’érosion des sols » tout en incluant « La défense contre les inondations et contre la mer » (4°). On voit donc un point de bascule de compétence lorsque les eaux pluviales et de ruissellement ne sont plus maîtrisées et qu’elles engendrent des inondations. Au-delà du débat juridique, il semble important, chaque fois que cela est possible, que les collectivités rassemblent ces compétences dans un même service ; à défaut, un lien étroit doit être établi entre les services compétences.
fiche DGa10 – La GEMAPI
Portail d’information sur l’assainissement communal
2.6 Préservation des zones humides
Les zones humides contribuent, entre autres, à la prévention des inondations ; leur préservation nécessite la mise en œuvre de politiques cohérentes entre l’État et ses établissements publics, les régions, les départements, les communes et leurs groupements (article L.211-1-1 du Code de l’environnement).
Certaines d’entre elles peuvent être identifiées comme zones humides d’intérêt environnemental particulier dans le cadre ou non d’un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et faire l’objet de programmes d’action selon des modalités similaires à celles mises en œuvre dans les « zones d’érosion » traitées ci-après au 3.1 (article L.211-3-II-4°du Code de l’environnement ; articles R.114- 1 / 10 du Code rural et de la pêche maritime).
Parmi les zones humides d’intérêt environnemental particulier identifiées par un SAGE, figurent les zones humides dites « stratégiques pour la gestion de l’eau » qui peuvent faire l’objet de servitudes (voir §2.7 ci-dessous).
2.7 Outils de maîtrise foncière pour acquisition de terrains ou création de servitudes dans un objectif de régularisation du régime des eaux
Ces outils permettent la mise à disposition des emprises nécessaires pour créer des bassins de régulation ou utiliser des terrains destinés à la rétention temporaire des eaux de crue et de ruissellement, à la mobilité du lit mineur en amont des zones urbanisées ; Ils permettent aussi de préserver ou de restaurer les zones humides dites « stratégiques pour la gestion de l’eau ».
Fiche DGa6 : Outils de maîtrise foncière pour travaux et ouvrages de protection contre les risques naturels
3 Outils administratifs pour lutter contre l’érosion périurbaine
3.1 Délimitation de « zones d’érosion » et définition de programmes d’action
La réussite de cette démarche, incitative dans un premier temps, suppose une bonne concertation préalable entre les collectivités locales, la Chambre d’agriculture (CA), les représentants des propriétaires, le ou les syndicats locaux d’exploitants agricoles, etc. puis, lors de la mise en œuvre, un accompagnement technique des exploitants.
Ce type d’action peut concerner les parties de territoire où, en raison notamment de la nature des sols, des conditions de leur occupation, de l’absence de couvert végétal ou de haies, de leur déclivité, les modes de gestion du sol ont favorisé une érosion des sols provoquant une accélération de l’écoulement des eaux de ruissellement à l’origine de dommages causés en aval ou susceptibles d’en causer (article R.114-2 du Code rural et de la pêche maritime). À noter que cette érosion est également préjudiciable aux propriétaires et exploitants des terrains par les dégâts causés (par exemple : colmatage d’ouvrages, destruction de semis, ravines) et surtout par la perte de fertilité à terme.
Dans un premier temps, la zone est délimitée par arrêté du préfet, après avis notamment de la CA, du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) et de la Commission départementale des risques naturels majeurs (CDRNM).
Le préfet établit ensuite un programme d’action qui, en tenant compte d’éventuels aménagements que pourraient réaliser, par déclaration d’intérêt général (DIG), les collectivités, précise les pratiques à promouvoir par les propriétaires et les exploitants parmi une liste définie d’actions (dont notamment : couverture végétale du sol, permanente ou temporaire ; travail du sol favorisant l’infiltration de l’eau et limitant le ruissellement ; diversification des cultures par assolement et rotations culturales ; maintien ou création de haies, talus, murets, fossés d’infiltration et aménagements ralentissant ou déviant l’écoulement des eaux ; restauration ou entretien d’un couvert végétal spécifique).
Ce programme précise également les objectifs à atteindre, les moyens (dont les aides publiques, en particulier si les pratiques préconisées induisent des surcoûts ou des pertes de revenus), les effets escomptés et les indicateurs associés ; il fournit enfin une évaluation sommaire de l’impact technique et financier des mesures envisagées sur les propriétaires et exploitants concernés.
Après une nouvelle phase de consultation, le préfet arrête le programme d’action.
Au bout de 3 ans, le préfet dresse un bilan et peut décider de rendre obligatoires, après consultation, certaines des mesures qui avaient été préconisées (articles L.114-1 et R.114-1 / 10 du Code rural et de la pêche maritime).
3.2 Servitude inhérente aux forêts de protection
Ce statut a été créé par la loi Chauveau de 1922 pour offrir un statut plus souple que celui des « forêts » domaniales relevant de la restauration des terrains en montagne (RTM), lorsqu’il n’y avait qu’à conserver et non à restaurer les terrains concernés. À l’objectif initial de « maintien des terres sur les montagnes et sur les pentes et à la défense contre les avalanches et contre les érosions et envahissements des eaux et des sables », la loi sur la protection de la nature de 1976 a ajouté les forêts périurbaines et les forêts dans les zones où leur maintien s’impose soit pour des raisons écologiques soit pour le bien-être de la population.
Le classement, à l’initiative de l’État, fait l’objet d’une procédure centralisée et est prononcée par décret en Conseil d’État qui soumet la forêt à un régime forestier spécial : celui-ci interdit notamment tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation ou la protection des boisements ; les diverses activités (y compris la fréquentation) peuvent y être interdites ou réglementées (articles L.141-1 / 6 et R.141-1 /38 du Code forestier).
Pour les forêts ne relevant pas du régime forestier, le propriétaire peut faire approuver un règlement d’exploitation d’une durée de 10 à 20 ans par le préfet (direction départementale des territoires (et de la mer) DDT(M)).
Ce classement ouvre aux propriétaires et usagers le droit de réclamer des indemnités à l’État en cas de diminution de revenu, voire l’acquisition si cette diminution atteint 50 % ; l’État peut également procéder à l’acquisition des bois classés (articles L.141-7 et R.141-39 / 42 du Code forestier).
3.3 Servitude inhérente à la restauration des terrains en montagne (RTM)
La possibilité de créer et de classer des forêts au titre de la protection est définie au titre IV « Rôle de protection des forêts » du code forestier. Ce classement interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation ou la protection des boisements. Ces forêts bénéficient d’un régime spécial quant à leur gestion
En ce qui concerne spécifiquement les forêts dites RTM, la législation actuelle est encore très proche de celle mise en place initialement par l’État au XIXe siècle au titre de la solidarité nationale pour assurer le maintien et la protection des terrains en montagne ainsi que la régularisation du régime des eaux (loi de 1882 sur la restauration et la conservation des terrains en montagne, ayant elle-même abrogé les lois originelles de 1860 et 1864).
L’utilité publique des travaux est déclarée par décret en Conseil d’État ; faute de conventions avec les propriétaires, le bénéficiaire procède aux travaux nécessaires puis assure leur entretien (articles L.142-7 / 9 et R.142-21 /30 du Code forestier).
L’État, par le ministère en charge des Forêts, consacre chaque année des moyens importants à l’entretien des dispositifs qu’il a installés sur les terrains domaniaux RTM acquis (380 000ha) pour assurer, dans les meilleures conditions possibles, la protection d’enjeux variés situés en aval (habitations isolées, zones urbaines ou économiques, voies de communication).
Ces terrains domaniaux relèvent d’un double régime juridique. D’une part, conformément aux articles L.221-2 et L.221-3 du Code forestier, ils sont confiés à la gestion de l’Office national des forêts (ONF) et font donc l’objet d’une gestion courante dans le cadre du régime forestier et selon un aménagement qui en fixe les modalités de gestion durable ; l’ONF y intervient en dehors de toutes prérogatives de puissance publique et sa responsabilité peut être recherchée, en cas de sinistre, en sa qualité de gestionnaire légal des forêts domaniales. Mais d’autre part, en tant que forêts affectées à la RTM, ils font l’objet de travaux et d’ouvrages spécifiquement destinés à la prévention des risques d’éboulements, crues torrentielles, etc. … dont la mise en œuvre est décidée par l’Etat-Puissance publique sur la base des pouvoirs qu’il tient des articles L.142-7 et L.142-8 du Code Forestier à des fins de sécurité publique. Les travaux et ouvrages réalisés dans ce cadre et sur ce fondement légal spécial sont des travaux et ouvrages publics dont le contentieux relève alors du juge administratif.
3.4 Servitude du fait d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) approuvé
Une couverture végétale ou forestière correctement gérée assure de façon satisfaisante son rôle général de protection des sols et de régularisation des eaux. En cas de déficience, il convient d’en examiner les causes et la possibilité ou non d’y remédier et, si oui, d’examiner si l’introduction dans un PPRN de prescriptions ou de recommandations spécifiques s’ajoutant à la réglementation déjà en vigueur est de nature à répondre aux difficultés rencontrées.
En particulier, les PPRN dont l’objet est d’éviter une aggravation de l’exposition des personnes et des biens aux risques naturels et à réduire leurs conséquences négatives sur les vies humaines, l’environnement, l’activité économique et le patrimoine culturel, peuvent prévoir des règles de gestion et d’exploitation forestière dans les zones de risques qu’ils déterminent ; néanmoins, une telle disposition ouvre aux propriétaires et usagers le droit de réclamer des indemnités à l’État en cas de diminution de revenu, voire l’acquisition si cette diminution atteint 50 % (articles L.144-1, L.141-7 et R.141-39 /40 du Code forestier).
La réussite de ce type de mesure suppose à la fois une bonne concertation amont avec les organisations professionnelles concernées, un accompagnement technique adapté et aussi un contrôle réel des dispositions arrêtées par le PPRN.
Fiche DGa3 : Plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) et miniers (PPRM)
Pour en savoir plus sur l’ensemble de la thématique :
CGEDD, « Gestion des eaux pluviales : 10 ans pour relever le défi », avr. 2017.
CEPRI, Gérer les inondations par ruissellement pluvial : guide de sensibilisation. 2014.