Mise à jour : septembre 2020
Michel Bacou, Chargé d’études risques naturels – Cerema
Paul Guero, Chargé d’études en prévention des risques – Cerema
Sommaire :
La connaissance des phénomènes naturels est un préambule indispensable à la prise en compte des risques dans l’aménagement du territoire. Elle n’est toutefois pas suffisante en tant que telle et doit en effet être traduite sous la forme d’un « zonage » qui aura une portée réglementaire dans le cadre d’un document qui réglemente l’occupation des sols, qu’il s’agisse d’un Plan de Prévention des Risques (PPR)[1] ou d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU). L’objectif visé étant de délimiter d’une part les secteurs qui doivent être globalement inconstructibles au titre du risque, et d’autre part les secteurs globalement constructibles sous réserve de respecter un certain nombre de prescriptions, qu’elles relèvent de l’urbanisme, de la construction ou de l’organisation.
La présente fiche synthétise les différentes étapes qui permettent de bâtir ce zonage réglementaire à partir d’une part de la connaissance des phénomènes, et d’autre part de la connaissance des enjeux qui constituent le territoire.
[1]Pour ce qui concerne la partie du règlement qui concerne les « projets » : les éléments de la présente fiche ne concernent pas la partie des PPR qui traite de la réduction de vulnérabilité des biens existants (cf fiche DGa3)
1 Principe général
Le schéma suivant illustre les différentes étapes du procédé qui permet de traduire une connaissance des aléas en un zonage ayant vocation à être réglementé.
Illustration 1 : Élaboration du zonage par croisement des aléas et des enjeux
2 Les éléments sur les phénomènes
2.1 Phénomènes naturels : la carte informative des phénomènes naturels
L’étude d’un phénomène naturel ne se conçoit pas sans la prise en compte préalable des évènements du passé : c’est cette historicité qui est traduite dans la carte informative des phénomènes naturels, qui a pour vocation première de sensibiliser les élus et la population, et de justifier la nécessaire prise en compte du risque dans l’aménagement du territoire.
C’est une carte descriptive des phénomènes observés ou historiques. Elle restitue sur un fond de plan topographique ou ortho-photographique au 1/25.000ème agrandi à l’échelle du 1/10.000ème la manifestation des phénomènes significatifs, c’est-à-dire leur type, leur extension, la valeur des paramètres physiques connus, ainsi que leurs principales conséquences sur les hommes et sur les biens. Elle est élaborée sur la base d’un travail de recueil de donnée (archives, presse, photos, vidéos, témoignages, mémoire locale, dossiers CatNat, études techniques, etc.).
Pour en savoir plus, voir les pages 56-61 du guide PPRN.
2.2 Phénomènes technologiques
L’étude des phénomènes technologiques se base sur l’étude des dangers, élaborée par l’industriel et contrôlée par la DREAL, où figurent notamment, outre leur probabilité d’occurrence, l’intensité de leurs effets et leur cinétique. Cette caractérisation est réalisée pour chacun des effets concernés.
3 La carte des aléas
De façon générale, l’aléa est la manifestation d’un phénomène est habituellement caractérisé par une probabilité d’occurrence et une intensité donnée.
La traduction de la connaissance de ce phénomène en un zonage nécessite que l’on définisse, parmi tous les aléas possibles, celui (ou ceux) que l’on souhaite réglementer, et par voie de conséquence, cartographier : on parle en général d’« aléa de référence ».
La définition et la méthode d’élaboration de cet aléa de référence varient en fonction du type de phénomènes considérés. Les méthodologies détaillées sont pour la plupart développées dans les guides méthodologiques spécifiques des PPR, qu’il convient de consulter en détail.
- pour l’inondation, la submersion marine, le ruissellement
- pour les mouvements de terrainet cavités souterraines abandonnées
- pour le séisme
- pour les incendies de forêts
- pour les avalanches
- pour les risques miniers
- pour les risques technologiques
Il existe, pour certains des phénomènes, des dispositifs structurels qui permettent de réduire les aléas (par exemple une digue pour l’inondation). Il est important de noter que la caractérisation de l’aléa de référence doit être faite en considérant que ces protections peuvent malheureusement dysfonctionner : l’analyse des évènements passés montrent en effet qu’aucun de ces dispositifs ne peut être considéré comme totalement infaillible. La fiabilité est notamment dépendante de la pérennité de l’entretien de ces dispositifs dans le temps.
Une fois les aléas caractérisés, la carte des aléas les classifie en plusieurs niveaux, le plus souvent trois ou quatre, très fort, fort, moyen et faible, en tenant compte, si possible, à la fois de la nature des phénomènes, de leur probabilité d’occurrence et de leur intensité. Elle est normalement représentée sur un fond de plan topographique au 1/10.000ème, voire au 1/5.000ème. Voire à plus grande échelle pour les aléas technologiques.
La présente fiche se contente d’exposer deux exemples différents de cartes d’aléas : une pour le phénomène d’inondation, l’autre pour les aléas technologiques. Elle aborde également la spécificité des aléas miniers. On se référera aux fiches considérées pour l’ensemble des Aléas.
3.1 Carte des aléas inondation
Pour ce phénomène, l’aléa de référence est déterminé à partir de l’évènement le plus important connu et documenté ou d’un évènement théorique de fréquence centennale[2], si ce dernier est plus important (article R.562-11-3 du code de l’environnement).
En général l’étude d’aléa contient donc a minima un volet historique (qui doit notamment décrire l’inondation la plus importante connue et documentée) et un volet hydrologique qui doit permettre de caractériser les périodes de retour des évènements historiques et théoriques (et notamment l’évènement de fréquence centennale) : c’est la comparaison des évènements historiques et théoriques qui permettra de définir l’aléa de référence à cartographier.
Lorsque l’aléa de référence retenu est la crue centennale théorique, il est alors souvent nécessaire de conduire une étude hydraulique détaillée, basée notamment sur une connaissance fine de la topographie du lit majeur, qui permettra de modéliser la crue et de calculer l’emprise inondée, ainsi que les hauteurs d’eau et les vitesses d’écoulements en tout point. Ce sont ces informations qui doivent figurer sur la carte des aléas.
On notera que lorsque le territoire comporte des systèmes d’endiguement, les modélisations devront comprendre des hypothèses de défaillance de ces derniers afin que la carte des aléas fasse bien figurer les espaces inondables en cas de rupture.
En fonction des enjeux présents sur le territoire, il est également envisageable de construire la carte d’aléa en se basant sur l’approche hydro-géomorphologique, qui permet d’identifier les différents lits des cours d’eau et les traces laissées sur le paysage par le passage des grandes crues dans le passé.
Enfin, il est intéressant que la carte des aléas fasse également apparaître des évènements supérieurs à l’aléa de référence, y compris si ces derniers n’ont pas vocation à être utilisés pour la prise en compte du risque dans l’aménagement du territoire : en effet, ces informations peuvent utilement servir à informer les populations ou à préparer les dispositifs de gestion de crise.
[2] C’est la crue dite centennale, qui a une « chance » sur cent de se produire chaque année. Il s’agit d’une définition probabiliste qui ne correspond pas nécessairement à un évènement historique observé.
3.2 Carte des aléas technologiques
Les aléas technologiques comprennent 3 effets :
- L’effet de surpression, lie notamment à une explosion
- L’effet thermique lié à un feu
- L’effet toxique lié à une fuite de produit toxique pour l’homme
la carte des aléas technologiques est élaborée à partir des phénomènes dangereux décrits dans l’étude de dangers où figurent notamment leur probabilité d’occurrence, l’intensité de leurs effets et leur cinétique. De cette étude, il va être sélectionné les phénomènes dangereux pertinents pour la démarche. Cette sélection, repose à la fois sur une classe de probabilité suffisamment faible et sur des conditions relatives aux mesures de maîtrise des risques. Le périmètre de l’étude d’aléa est déterminée à partir de ces phénomènes dangereux retenus.
Il est à noter que la probabilité d’occurrence retenue pour les risques technologiques est beaucoup plus faible que dans le cas des risques naturels
L’analyse des aléas technologiques distingue l’étude des phénomènes dangereux à cinétique rapide des phénomènes dangereux à cinétique lente. Les premiers sont caractérisés par des niveaux d’aléas et les seconds par la courbe enveloppe des effets irréversibles.
une cartographie est réalisée pour chacun des trois types d’effets en superposant les niveaux d’aléas (cinétique rapide) et les courbes enveloppes des effets irréversibles (cinétique lente) la carte d’aléa
La carte d’aléa résultante est généralement découpée en 7 classes d’aléa en fonction de l’atteinte probable aux personnes.
3.3 Spécificité des cartes des aléas miniers[3]
Seules les études et cartes d’aléas produites par GEODERIS sont utilisables pour l’élaboration des PPR miniers (PPRM). En effet, la présence de plusieurs types d’aléas qui peuvent se superposer sur un même territoire, implique des étapes techniques et des étapes d’arbitrages supplémentaires par rapport à l’élaboration d’un plan de prévention des risques naturels (PPRN), le plus souvent prescrit pour un seul type d’aléa.
Pour en savoir plus sur les cartes d’aléas, voir les pages 62-73 du guide PPRN
[3]Extrait du guide PPR miniers, page 8
4 La carte des enjeux
Les enjeux sont les biens, les activités, les moyens, le patrimoine, etc. susceptibles d’être affectés par les aléas étudiés. Leur caractérisation servira ensuite à être croisée avec les aléas afin de définir le zonage réglementaire.
En premier lieu, il s’agit de distinguer les différents types d’occupation du sol, ce afin de comprendre l’organisation générale du territoire étudié : quels sont les pôles structurants ? quelles sont les zones de développement futur ? quels sont les espaces naturels participant à la prévention des risques ? L’exercice revient donc à distinguer :
- les espaces urbanisées et parmi eux les centres urbains ;
- les espaces spécifiques au type d’aléa étudié (par exemple les zones d’interfaces habitat-forêt pour les incendies de forêt) ;
- les projets d’aménagements envisagés par les collectivités.
Ces éléments peuvent ensuite être complétés par des informations plus ponctuelles : les infrastructures et équipements particuliers, notamment ceux qui sont sensibles vis-à-vis du phénomène étudié ou qui ont un rôle à jouer pendant la gestion de crise, ainsi que les enjeux patrimoniaux, culturels et environnementaux.
Cette phase d’appréciation des enjeux et de leur vulnérabilité doit faire l’objet d’une concertation entre les collectivités locales, les acteurs économiques, etc. et les services de l’Etat afin de parvenir à un constat partagé.
La carte des enjeux doit fournir une synthèse de ces analyses. Il est généralement préconisé qu’elle soit réalisée au 1/10.000ème avec des zooms éventuels au 1/5.000ème pour les zones les plus densément occupées.
Enfin, on peut noter que l’analyse des enjeux pourra utilement alimenter les réflexions nécessaires à l’élaboration des plans communaux de sauvegarde (PCS)..
Fiche R8 – Plan communal de sauvegarde
Pour en savoir plus sur les cartes des enjeux, voir les pages 74-83 du guide PPRN.
5 L’élaboration du zonage réglementaire
Le zonage, qui a vocation à être intégré à un document qui fixe des règles d’occupation du sol (le PPR ou le PLU), est obtenu en croisant les cartes des aléas et des enjeux, sur la base des principes généraux suivants, qui visent à zoner des secteurs globalement inconstructibles (les zones dites « rouges » par simplification) et des secteurs globalement constructibles (les zones dites « bleues » par simplification) :
- Dans les espaces urbanisés :
- dans les zones d’aléa fort et très fort, en raison de la nature et de l’intensité de l’aléa, le principe consiste à interdire toute nouvelle construction[4], à l’exception des zones exposées aux séismes (hors zones de failles sismiquement actives débouchant en surface) et au retrait-gonflement des argiles pour lesquelles des prescriptions constructives permettront de limiter les dommages et les risques. Des constructions peuvent, dans certains cas, être toutefois possibles à certaines conditions dans les centres urbains et les zones urbaines denses, sous réserve du respect de prescriptions ;
- dans les zones d’aléa moyen et faible, les projets devront respecter des prescriptions. Il sera cependant possible selon le contexte local et les enjeux d’interdire certaines constructions.
- Dans les espaces non urbanisés exposés au risque et quel que soit le niveau d’aléa, le principe consiste à interdire les nouvelles constructions.
- Dans les espaces protégés par des ouvrages : la règle générale consiste à appliquer les mêmes principes de zonage réglementaire que si le secteur n’était pas protégé par des ouvrages, voire à majorer cet aléa en cas de rupture. L’intérêt majeur de ces ouvrages devant rester la réduction de la vulnérabilité de l’existant.
Ces principes restent généraux et sont à adapter aux différents types d’aléas (c.f. guide d’élaboration des PPR cités en début de fiche). A titre d’exemple, le tableau suivant synthétise les principes du croisement aléas/enjeux appliqué pour les PPR inondation, hors cadre dérogatoire (principes définis dans les articles R.562-11-3 à 9 du code de l’environnement) :
Illustration 2 : Principe d’élaboration du zonage des PPRi (hors cadre dérogatoire)
Enfin, le zonage réglementaire ne doit pas être le simple résultat du croisement automatique des aléas et des enjeux : il est en effet nécessaire qu’il soit confronté aux spécificités du contexte local.
Pour en savoir plus sur l’élaboration du zonage, voir les pages 84-87 du guide PPRN.
[4] Par ailleurs, dans les zones ou la vie humaine est fortement menacée par des phénomènes à cinétique rapide notamment, des procédures visant à supprimer ces constructions pourront être engagées