Mise à jour : mars 2021
Agnes BOITIERE , service sécurité et risque, préfecture de l’Isère
Sommaire :
Les collectivités locales se trouvent fréquemment placées devant les problématiques suivantes en matière de risques naturels :
- Comment procéder pour obtenir la libération foncière des emprises de terrain nécessaires à la réalisation de travaux de protection ?
- Comment régulariser des situations anciennes afin de clarifier les responsabilités et de permettre tant une gestion cohérente qu’un entretien satisfaisant des ouvrages ?
- Existe-t-il des procédures administratives permettant de préserver des emprises pour des aménagements futurs ?
A la diversité des moyens de protection avec notamment une nécessaire distinction entre ouvrages proprement dits (génie civil essentiellement, génie biologique parfois) et modes de gestion de l’espace agro-sylvo-pastoral (thème traité en partie dans la fiche DGa8), répond aussi une diversité de solutions, plus ou moins aisées et rapides à mettre en œuvre.
Cette fiche présente sommairement un éventail des principales possibilités offertes pour libérer les emprises nécessaires à la réalisation de travaux ou d’ouvrages de protection (hors cas du domaine public pour lequel seul un titre d’occupation peut être délivré) ou pour créer des servitudes répondant à cet objectif ainsi qu’à celui, plus général, de prévention. Certaines relèvent d’une mise en œuvre générale, d’autres sont associées à des politiques globales d’aménagement (par exemple en matière d’urbanisme ou d’eau), d’autres enfin sont plus spécifiques à un risque (par exemple en matière d’incendies de forêt).
1 Acquisition foncière
1.1 A l’amiable, en l’absence de procédure spécifique
Elle nécessite une bonne information préalable des propriétaires (et des exploitants) concernés quant aux enjeux en cause.
1.2 A l’amiable ou par expropriation, dans le cadre d’une déclaration d’utilité publique (DUP)
Cette procédure permet à une personne publique (État, collectivité territoriale, organisme assumant une mission de service public) de contraindre une personne privée (particulier) ou morale (entreprise) à céder la propriété de son bien, moyennant le paiement d’une « juste et préalable » indemnité.
Elle est définie par le Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ; la libération foncière est prononcée, à défaut d’accord amiable, après enquête parcellaire, cette dernière pouvant être menée conjointement ou non à l’enquête de DUP (articles L 11-1 / 9 ; articles R.11-1 / 31).
Il est en outre possible de mener l’enquête préalable à la DUP, par regroupement dans une enquête publique unique, avec d’autres, si l’une d’entre elles au moins vise un projet soumis à enquête publique au titre du Code de l’environnement ; par exemple avec la déclaration d’intérêt général (DIG) des travaux, les servitudes et la « nomenclature eau » (article L.123-6 du Code de l’environnement). Dans ce cas, l’enquête est régie par le Code de l’environnement (article L.11-1-II du Code de l’expropriation), son déroulement s’effectuant selon des modalités quelque peu différentes de celles de l’enquête régie par le Code de l’expropriation (articles R.123-2 / 23 du Code de l’environnement) ; mais, à l’issue de celle-ci, c’est toujours l’autorité de l’Etat compétente qui décide de la déclaration d’utilité publique. Une fiche spécifique du Mémento présente ce type d’enquête appelée aussi « environnementale ».
Fiche DGi3 : Consultation et concertation
L’expropriation doit suivre une procédure qui se déroule en 2 temps :
- Une première phase administrative préparatoire au cours de laquelle la personne publique doit démontrer l’utilité publique de son projet
- Une deuxième phase judiciaire servant à garantir le transfert de propriété à la personne publique et le paiement d’une indemnité à la personne expropriée
La procédure d’expropriation est quasi similaire à la procédure habituellement prévue par le Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, ce qui implique avant toute chose la prise d’une déclaration d’utilité publique. Lorsque l’État est à l’origine de la procédure, l’autorité expropriante est à la fois initiatrice et bénéficiaire de la procédure d’expropriation. Lorsque l’autorité expropriante est une commune ou une autre collectivité territoriale, elle doit transmettre au préfet sa demande accompagnée des pièces nécessaires. Le préfet contrôle l’opportunité d’enclencher la procédure. S’il estime la demande recevable, il la transmet au ministère chargé de la prévention des risques majeurs accompagnée des pièces du dossier et de son avis. Si le ministère est favorable à la poursuite de la procédure, c’est le schéma classique de l’expropriation qui s’applique avec enquête publique, consultations et enquête parcellaire. Ces actes étant le préalable à la prise d’une déclaration pour cause d’utilité publique (DUP). A la suite de la prise de la DUP, l’autorité expropriante fait une proposition d’indemnisation à l’exproprié. A défaut d’accord amiable, le juge de l’expropriation est saisi.
- L’enquête d’utilité publique (régie par le Code de l’expropriation) :
Elle vise à recueillir les observations de toute personne intéressée et à provoquer les avis des collectivités ou organismes susceptibles d’apprécier l’intérêt public d’une opération. Elle est prescrite par arrêté préfectoral à la demande de l’expropriant. Cet arrêté doit notamment préciser la date d’ouverture et la durée de l’enquête (qui ne peut être inférieure à 15 jours), son objet, le périmètre et les immeubles concernés et les conditions de recueil des observations du public. L’enquête est effectuée par un commissaire enquêteur, ou par une commission d’enquête, désigné par le président du tribunal administratif. A la fin de l’enquête, dans le délai d’un mois, le commissaire enquêteur (ou la commission d’enquête) transmet ses conclusions, favorables ou défavorables, au préfet. En particulier, le commissaire enquêteur (ou la commission d’enquête) doit apprécier le caractère d’intérêt général de l’opération et la nécessité de l’expropriation pour atteindre les objectifs de celle-ci ; il doit également s’assurer d’un bilan coûts-avantages favorable à l’opération ainsi que d’une bonne application du principe de précaution.
- La déclaration d’utilité publique (DUP) :
C’est l’acte par lequel l’autorité administrative déclare, par décret, arrêté ministériel ou préfectoral, la nécessité d’une procédure d’expropriation. La DUP précise le délai pendant lequel l’expropriation doit être réalisée. Il doit en général être inférieur à cinq ans.
- L’enquête parcellaire :
Conjointement ou non à l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, le préfet engage une enquête parcellaire pour identifier précisément les immeubles et les propriétaires concernés par l’opération. La notification de cette enquête est déposée en mairie et envoyée aux propriétaires connus. C’est l’occasion pour ces derniers de vérifier l’exactitude des renseignements en possession de l’administration ou de demander certains aménagements.
Le transfert de propriété peut être réalisé soit par acquisition amiable, soit par ordonnance du juge de l’expropriation :
- La cession à l’amiable : L’instauration de l’acquisition amiable, y compris pour les collectivités, a considérablement limité le recours aux opérations d’expropriation, même si celles-ci restent indispensables pour les propriétaires les plus récalcitrants. Cette procédure est de plus qualifiée de moins traumatisante pour les victimes. Elle couvre tous les biens (y compris professionnels) et tous les risques. Elle a globalement permis un très fort gain de temps pour les services de l’État. Elle permet également d’inclure dans le périmètre d’autres types de biens (notamment des terrains nus). Le plafonnement des subventions du fonds Barnier est imposé par les articles Env. L. 561-3 2°) et R. 561-12 pour les biens « ayant été sinistrés à plus de 50% de leur valeur ». L’acquisition amiable comme l’expropriation des biens « à risque » est déplafonnée (Env. art L. 561-31°). Par contre, la valeur de biens « sinistrés » acquis à l’amiable est limitée à 240 000 euros par unité foncière par l’arrêté du 24 avril 2010 visé par l’article Env. R. 561-12.Elle peut intervenir à tout moment de la procédure, avant ou après la déclaration d’utilité publique, jusqu’au jugement fixant les indemnités. Si elle est traitée avant la déclaration d’utilité publique, il y a lieu de passer un acte de vente ordinaire, obéissant aux règles du Code civil. Si elle est traitée après la déclaration d’utilité publique, il y a lieu de passer un acte de cession qui porte à la fois sur le transfert de propriété et sur le montant des indemnités.
- L’ordonnance d’expropriation : A défaut d’entente, le juge est saisi. Il doit rendre une ordonnance dans les 8 jours de la réception du dossier. Celle-ci est envoyée obligatoirement à chaque propriétaire par lettre recommandée avec accusé de réception et publiée au bureau des hypothèques. L’ordonnance d’expropriation entraîne le transfert immédiat de la propriété de l’immeuble ou des droits en question (usufruit, servitude) ainsi que la résiliation des baux en cours. Mais l’ancien propriétaire conserve le droit de jouissance du bien, tant qu’il n’a pas perçu l’indemnisation versée par l’expropriant. Il peut donc rester dans les lieux ou continuer à percevoir un loyer.
- La fixation de l’indemnité : Après la visite des lieux et l’audition des parties intéressées, le juge fixe le montant des indemnités. L’appel est possible dans les 15 jours de la notification du jugement. Le juge doit prendre en considération la valeur du bien (au jour du jugement de première instance), son usage effectif (habitation, commerce, etc.), le préjudice subi, les prix acceptés à l’amiable par d’autres expropriés. L’expropriation conduit à une indemnité qui est calculée sans tenir compte de l’exposition du bien aux risques naturels, c’est-à-dire que la valeur du bien est estimée comme s’il n’était pas exposé. Si au bout d’un an, l’indemnité n’est pas payée, l’exproprié peut demander qu’il soit à nouveau statué sur le montant de l’indemnité.
L’expropriation peut être contestée :
- La contestation de la déclaration d’utilité publique : Dans les deux mois qui suivent sa publication, la DUP peut être contestée pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif. Mais ce recours n’est pas suspensif : la procédure d’expropriation se poursuit pendant ce temps.
- La contestation de l’ordonnance d’expropriation : Il est possible de contester l’ordonnance devant la Cour de cassation dans un délai de quinze jours à compter de sa notification. Le pourvoi doit être formé par déclaration au greffe du tribunal de grande instance ou de la Cour de cassation.
L’article 60 de la loi n° 2003-699 (loi Bachelot) rend les communes ou, le cas échéant, leurs groupements, bénéficiaires des biens, même si la déclaration d’utilité publique demeure de la compétence exclusive du préfet. La question posée ici est bien celle de donner aux collectivités la responsabilité de l’expropriation et de la gestion future des terrains rendus inconstructibles. En effet, le rachat des biens par le fonds Barnier a évolué, avec la question des inondations, du risque non prévisible aux conséquences d’un risque avéré et susceptible de se reproduire. Cela nécessite également souvent la destruction de groupes de bâtiments, modifiant le plan d’occupation des sols des collectivités et justifiant une réflexion d’urbanisme pour intégrer la zone nouvellement inconstructible dans un projet urbain.
Les conditions d’éligibilité des biens rachetés :
Avant de procéder au rachat des biens, il convient de déterminer leur éligibilité. Cette responsabilité revient aux services de l’État. Ils doivent à la fois évaluer, dans la zone exposée à l’aléa, l’exposition de chaque bien à l’aléa, contrôler l’éligibilité des biens en fonction de leur nature et vérifier que les biens susceptibles de rachat sont assurés.
Une sélection des biens appuyée sur une analyse du risque
Comme les cas couverts par le fonds, les critères conduisant à la sélection des biens devant être rachetés ont évolué au fil de l’expérience et des évolutions législatives et règlementaires. L’usage du Fonds Barnier ne peut être utilisé que lorsque trois conditions sont cumulativement réunies :
- Des risques naturels spécifiques qui sont énumérés à l’article Env. L. 561-1, (mouvements de terrain, affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou une marnière d’origine naturelle ou humaine ne résultant pas de l’exploitation passée ou en cours d’une mine, avalanches, crues torrentielles ou à montée rapide, submersion marine). Les autres événements climatiques, tels les ouragans, sont exclus du dispositif, car ils ne peuvent pas être définis à l’avance à un endroit donné.
- Une menace grave pour les vies humaines : La gravité du danger est appréciée au regard de certains critères dont l’article Env. R. 561-2 donne une énumération non exhaustive.
- L’absence de solution alternative moins coûteuse. La procédure n’est applicable que dans les situations où il n’existe pas d’autres mesures de sauvegarde et de protection fiables et moins coûteuses. L’administration doit donc se livrer à une analyse selon la théorie du bilan afin de déterminer quel est le choix le moins coûteux pour la collectivité. Cette estimation n’est toutefois pas nécessaire lorsqu’il apparaît qu’aucun moyen de sauvegarde et de protection n’est réalisable compte tenu par exemple des difficultés voire des dangers présentées par la mise en place desdits moyens (CE 7 avr. 1999 n° 189263)
1.3 Par transfert de propriété suite à l’exercice par le bénéficiaire de son droit de délaissement
Ce droit confère aux propriétaires qui le souhaitent d’exiger l’acquisition de leurs biens par la collectivité à un prix fixé à l’amiable ou, à défaut, par le juge de l’expropriation. Il peut résulter de la création d’emplacements réservés dans le plan local d’urbanisme (PLU) ou de la mise en place de servitudes spécifiques :
- Emplacements réservés du PLU : L’élaboration (ou la révision) du PLU est l’occasion de mener une réflexion globale au niveau du territoire (inter)communal avec tous les acteurs concernés. La prise en compte des préoccupations de prévention contre les risques naturels peut notamment se traduire dans la délimitation d’emplacements réservés pour ouvrages publics et installations d’intérêt général (article L.123-1 8° du Code de l’urbanisme) : la création d’emprises futures d’ouvrages de protection et de leurs accès ainsi que la régularisation de situation anciennes aujourd’hui insatisfaisantes (voire préoccupantes en cas de forte périurbanisation) peut ainsi être envisagée au bénéfice d’une collectivité publique ou d’un organisme chargé de la gestion d’une activité de service public.
A noter qu’un mécanisme de cession gratuite des terrains partiellement réservés permettant le report du droit de construire correspondant au terrain cédé est prévu par le Code de l’urbanisme (article R.123-10 du Code de l’urbanisme).
- Servitudes foncières en zones U et AU du PLU : De telles servitudes peuvent être instaurées également par le PLU (mais uniquement en zones U et AU) pour ouvrages publics et installations d’intérêt général ; elles sont délimitées sur les documents graphiques du PLU (article L.123-2 (c) du Code de l’urbanisme).
- Servitudes pour la rétention temporaire des eaux de crue et de ruissellement, pour la mobilité du lit mineur en amont des zones urbanisées ainsi que pour la préservation ou la restauration de zones humides dites « stratégiques pour la gestion de l’eau » délimitées par un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) – voir § 2.5 ci-après -.
Le droit de délaissement, qui peut aussi concerner l’acquisition partielle ou totale d’autres parcelles de terrain si l’existence de la servitude compromet leur exploitation ou leur usage dans des conditions similaires à celles existant avant l’institution de la servitude, s’exerce pour une période de 10 ans (article L.211-12 (X) du Code de l’environnement).
1.4 Par mise en place d’un droit de préemption urbain
Ce droit, qui octroie par ailleurs le droit de délaissement aux propriétaires concernés, est institué par délibération du conseil municipal (ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) s’il en a reçu la compétence) et peut être délégué à la collectivité qui a demandé l’institution de la servitude. Il s’applique :
- dans les communes dotées d’un plan d’occupation des sols (POS) rendu public ou d’un plan local d’urbanisme (PLU) approuvé, sur tout ou partie des zones urbaines (U) ou à urbaniser (NA ou AU) ainsi que dans les périmètres délimités, par une carte communale approuvée, en vue de la réalisation d’un équipement ou d’une opération d’aménagement (articles L.211-1 / 2 du Code de l’urbanisme).
- en cas de servitudes pour la rétention temporaire des eaux de crue et de ruissellement, pour la mobilité du lit mineur en amont des zones urbanisées ainsi que pour la préservation ou la restauration de zones humides stratégiques délimitées par un SAGE (article L.211-12 (XI) du Code de l’environnement) – cf. 2.5 ci-après – : ce droit de préemption urbain peut être institué même en l’absence de PLU (article R.211-105 du Code de l’environnement).
1.5 Sans oublier le cas des biens vacants et sans maître
Les biens vacants et sans maître peuvent être acquis par la commune au terme d’une procédure définie par le Code civil (article 713) et par le Code du domaine de l’État (article L.27 bis). Ces biens doivent être bien distingués d’autres situations telles que les biens en déshérence.
Ce cas n’est toutefois évoqué ici que pour attirer l’attention sur la nécessité d’abord d’une bonne identification de la situation juridique effective des biens concernés puis d’une mise en œuvre rigoureuse de la procédure correspondante ; le concours d’un conseil juridique ou d’un expert foncier ne peut être que recommandé.
2 Servitudes
Fiche R4 : Servitudes d’urbanisme et d’utilité publique
2.1 Servitude conventionnelle
L’acquisition des emprises peut apparaitre non nécessaire à certains maitres d’ouvrage, en particulier lorsqu’il s’agit d’appuis d’ouvrages linéaires répartis parfois sur de vastes surfaces (par exemple râteliers, claies et filets paravalanches, écrans pare-blocs, protection de rives de cours d’eau) ou d’ouvrages souterrains (drainage de glissements) et que l’exploitation agricole, pastorale ou forestière des terrains n’apparait pas incompatible avec le système de protection à installer (ou à régulariser) et peut même souvent être souhaitable.
Le recours à une servitude de droit privé est possible (article 637 du Code civil) : la convention correspondante doit prendre en compte à la fois la réalisation et l’entretien des ouvrages ainsi que leurs accès ; si celle-ci peut s’inspirer des modèles couramment utilisés en matière de réseaux d’alimentation en eau potable (AEP) ou d’assainissement, elle mérite néanmoins d’être étudiée avec soin, par exemple avec le concours d’un juriste.
Elle doit être rédigée sous forme d’un acte notarié ou d’un acte administratif puis faire l’objet des formalités de publicité foncière (article 710-1 du Code civil).
En cas d’impossibilité de mener à bien la totalité de cette démarche, il conviendra de revenir à la case acquisition !
2.2 Servitude de passage pour l’exécution de travaux, l’exploitation et l’entretien d’ouvrages (dont ceux concernant la prévention des risques naturels)
Cette servitude peut concerner tous les travaux prescrits ou exécutés avec DIG par une collectivité territoriale (dont la région ou non, selon le code concerné), un groupement de ces collectivités ou un syndicat mixte (articles L.151-37-1 / 38 du Code rural et de la pêche maritime ; article L.211-7 du Code de l’environnement).
Elle est créée par arrêté préfectoral, après enquête publique avec notification du dépôt du dossier en mairie par le bénéficiaire de la servitude à chacun des propriétaires intéressés ; l’arrêté préfectoral instituant la servitude, outre son annexion au PLU, doit faire l’objet d’une notification individuelle à chacun des propriétaires concernés (articles R.152-29 / 35 du Code rural et de la pêche maritime ; article R.214-98 du Code de l’environnement).
L’enquête peut être menée sous forme d’une enquête publique unique regroupant DIG, DUP, servitudes de passage et « nomenclature eau » (article L.123-6 du Code de l’environnement).
Cette servitude de passage ouvre droit à une indemnité proportionnée au dommage que les propriétaires ou occupants subissent, calculée en tenant compte des avantages que peuvent leur procurer l’exécution des travaux et l’existence des ouvrages ou installations pour lesquels la servitude a été instituée, les contestations étant jugées comme en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.
La servitude est d’une largeur maximale de 6 mètres. Pour les cours d’eau, cette distance est mesurée par rapport à la rive. Lorsque la configuration des lieux ou la présence d’un obstacle fixe l’exigent pour permettre le passage des engins mécaniques, cette largeur peut être étendue dans la limite de 6 mètres comptés à partir de cet obstacle. Elle respecte autant que possible les arbres et plantations existants. Les terrains bâtis ou clos de murs à la date d’institution de la servitude ainsi que les cours et les jardins attenants aux habitations en sont exempts pour ce qui concerne le passage des engins mécaniques (article R.152-29 du Code rural et de la pêche maritime ; article R.215-1 du Code de l’environnement).
2.3 Servitude de passage pour l’entretien régulier des cours d’eau non domaniaux
Cette servitude s’applique pendant la durée des travaux :
- menés en tant qu’opération groupée d’entretien régulier d’un cours d’eau – ainsi qu’en montagne de sécurisation des torrents – dans le cadre d’un plan de gestion établi à l’échelle d’une unité hydrographique cohérente et compatible avec les objectifs du SAGE s’il existe,
- réalisés d’office lorsque les propriétaires ne s’acquittent pas de leur obligation d’entretien régulier.
Elle concerne le passage des fonctionnaires, agents chargés de la surveillance, entrepreneurs ou ouvriers et engins mécaniques strictement nécessaires à la réalisation de travaux ; elle s’applique dans la limite d’une largeur de six mètres, autant que possible en suivant la rive du cours d’eau et en respectant les arbres et plantations existants. Les terrains bâtis ou clos de murs à la date du 3 février 1995 ainsi que les cours et jardins attenant aux habitations sont exempts de la servitude en ce qui concerne le passage des engins (article L.215-18 du Code de l’environnement).
Il est conseillé d’examiner avec les services de la préfecture comment inclure ce volet servitude dans le dossier à constituer pour l’enquête publique (DIG relative au plan de gestion et, selon les caractéristiques de l’intervention, « nomenclature eau ») en cas d’opération groupée d’entretien régulier – ainsi qu’en montagne de sécurisation des cours d’eau – ou dans la mise en demeure à adresser préalablement aux propriétaires riverains en cas de non entretien régulier de leur cours d’eau.
A noter que les servitudes pour entretien instaurées selon le décret n° 59-96 sur les cours d’eau devenus aujourd’hui non domaniaux demeurent valides (sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée) et valent désormais servitudes de passage pour l’exécution de travaux, l’exploitation et l’entretien des ouvrages (article L.211-7 (IV) du Code de l’environnement). A défaut d’accord sur les modalités d’accès aux propriétés riveraines, voire d’un arrêté préfectoral d’occupation temporaire des terrains (cf. & 3 ci-dessous), ces dernières sont nécessaires si une collectivité souhaite intervenir de manière isolée pour entretenir un cours d’eau, tout en sachant qu’elle aura alors souvent plus de difficultés pour démontrer l’intérêt général de son intervention en l’absence d’un diagnostic à la bonne échelle du problème qu’elle veut résoudre (article L.211-7 du Code de l’environnement ; articles L.151-37 / 38 du Code rural et de la pêche maritime).
2.4 Servitudes sur les terrains d’assiette ou d’accès à des ouvrages à des ouvrages construits en vue de prévenir les inondations et les submersions ainsi qu’à des ouvrages ou infrastructures qui y contribuent
Ces servitudes, dont la mise en œuvre est conditionnée à celle de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et à ses décrets d’application, peuvent être créées à la demande d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent pour la défense contre les inondations et contre la mer sur les terrains d’assiette ou d’accès à des ouvrages construits en vue de prévenir les inondations et les submersions, ainsi qu’à des ouvrages ou infrastructures qui y contribuent (article L.566-12-2 du Code de l’environnement).
Elles peuvent avoir un ou plusieurs des objets suivants :
- assurer la conservation des ouvrages existants construits en vue de prévenir les inondations et les submersions ;
- réaliser des ouvrages complémentaires ;
- effectuer les aménagements nécessaires à l’adaptation des ouvrages et des infrastructures qui contribuent à la prévention des inondations et des submersions ;
- maintenir ces ouvrages ou les aménagements effectués sur les ouvrages et les infrastructures en bon état de fonctionnement ;
- entretenir les berges.
La servitude est créée après enquête parcellaire et enquête publique, effectuées comme en matière d’expropriation.
La décision créant une servitude en définit le tracé, la largeur et les caractéristiques. Elle peut obliger les propriétaires et les exploitants à s’abstenir de tout acte de nature à nuire au bon fonctionnement, à l’entretien et à la conservation des ouvrages construits en vue de prévenir les inondations et les submersions ou des aménagements destinés à permettre aux ouvrages ou aux infrastructures de contribuer à cette prévention.
La servitude ouvre droit à indemnité, à la charge du bénéficiaire, s’il en résulte pour le propriétaire du terrain ou l’exploitant un préjudice direct, matériel et certain. A défaut d’accord amiable, l’indemnité est fixée par le juge de l’expropriation, d’après la consistance des biens à la date de la décision instituant la servitude en fonction des atteintes portées à leur utilisation habituelle et des modifications apportées à l’état des lieux antérieur ainsi que leur qualification de terrain à bâtir à cette même date.
2.5 Servitudes pour la rétention temporaire des eaux de crue et de ruissellement, pour la mobilité du lit mineur en amont des zones urbanisées ainsi que pour la préservation ou la restauration de zones humides dites « stratégiques pour la gestion de l’eau » identifiées par un SAGE
Ces servitudes peuvent être instituées à la demande de l’Etat, des collectivités territoriales ou de leurs groupements.
Pour chacune de ces zones, l’arrêté préfectoral de constitution peut obliger les propriétaires et les exploitants à s’abstenir de tout acte de nature à nuire à sa bonne fonctionnalité, par exemple en soumettant à déclaration préalable, auprès des autorités compétentes en matière d’urbanisme, les travaux ou ouvrages qui n’entrent pas dans le champ d’application des autorisations ou déclarations instituées par le Code de l’urbanisme et qui, en raison de leur nature, de leur importance ou de leur localisation, sont susceptibles de faire obstacle, selon l’objet de la servitude, soit au stockage ou à l’écoulement des eaux, soit au déplacement naturel du cours d’eau. Il peut identifier, le cas échéant, les éléments existants ou manquants faisant obstacle à l’objet de la servitude, dont la suppression, la modification ou l’instauration est rendue obligatoire ; la charge financière des travaux et l’indemnisation du préjudice pouvant en résulter incombe alors à la collectivité qui a demandé l’institution de la servitude, sauf si ces éléments appartiennent à l’Etat ou à ses établissements publics et auquel cas, la charge des travaux incombe à celui-ci (article L.211-12 du Code de l’environnement).
L’arrêté d’instauration est pris par le préfet après enquête publique (avec notification individuelle du dépôt du dossier à la mairie par le bénéficiaire de la servitude) puis consultation de la Commission départementale des risques naturels majeurs (CDRNM). L’arrêté est notifié aux maires des communes concernées et au bénéficiaire de la servitude qui doit le notifier à chaque propriétaire intéressé (articles R.211-96 /106 du Code de l’environnement).
Ces servitudes ouvrent droit à indemnités pour les propriétaires de terrains des zones grevées ; il en est de même pour les occupants en cas de dommages matériels touchant les récoltes, les cultures, le cheptel mort ou vif, les véhicules terrestres à moteur et les bâtiments causés par une surinondation. Toutes ces indemnités sont à la charge de la collectivité qui a demandé l’institution de la servitude ; elles sont fixées, à défaut d’accord amiable, par le juge de l’expropriation compétent dans le département (article L.211-12 du Code de l’environnement).
Elles permettent enfin aux propriétaires des terrains grevés d’exercer leur droit de délaissement sous certaines conditions et aux collectivités d’instaurer un droit de préemption urbain (cf. 1.3 et 1.4 ci-avant).
2.6 Servitudes de sécurité publique à l’aval d’un ouvrage hydraulique concédé ou autorisé
Des servitudes d’utilité publique relatives à l’utilisation du sol peuvent être instituées, tant à l’occasion de la demande d’autorisation ou de concession que postérieurement à l’octroi de celles-ci pour tout ouvrage hydraulique (barrage, digue) présentant un danger pour la sécurité publique.
Elles peuvent porter sur :
- la limitation ou l’interdiction du droit d’implanter des constructions ou des ouvrages et d’aménager des terrains de camping ou de stationnement de caravanes ;
- la subordination des autorisations de construire au respect de prescriptions techniques tendant à limiter le danger d’exposition des vies humaines à la submersion.
Ces servitudes sont déterminées en tenant compte de la probabilité d’occurrence, de la cinétique, de la nature et de l’intensité des risques encourus et peuvent, dans un même périmètre, s’appliquer de façon modulée. Elles ne peuvent par contre contraindre à la démolition ou à l’abandon de constructions existantes édifiées en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur avant l’institution des servitudes.
Elles n’ouvrent droit à indemnisation que si elles entraînent un préjudice direct, matériel et certain (article L.214-4-1 du Code de l’environnement).
Le périmètre et le contenu de ces servitudes sont soumis à enquête publique (articles L.123-1 / 19 et R.123-1 / 23 du Code de l’environnement) puis annexés au PLU (article L.126-1 du Code de l’urbanisme).
2.7 Servitude de passage et d’aménagement des voies en vue de la défense des forêts contre l’incendie (DFCI)
Dans les communes où se trouvent des « bois et forêts classés à risque d’incendie » en application de l’article L.132-1 du Code forestier (par l’autorité administrative compétente de l’Etat, après avis des conseils municipaux intéressés et du Conseil général ; départements considérés comme à risque moyen) ou des « bois et forêts réputés particulièrement exposés au risque d’incendie » conformément à l’article L.133-1 (32 départements considérés comme à risque élevé ), l’Etat peut instaurer cette servitude à son profit ou au profit d’une autre collectivité publique, d’un groupement de collectivités territoriales ou d’une association syndicale afin assurer exclusivement la continuité des voies de défense contre l’incendie, la pérennité des itinéraires constitués, ainsi que l’établissement des équipements de protection et de surveillance des forêts.
Ces voies de défense contre l’incendie ont le statut de voies spécialisées, non ouvertes à la circulation générale. L’acte instituant la servitude énonce les catégories de personnes ayant accès à ces voies et fixe les conditions de leur accès (article L.134-3 du Code forestier).
Si la bande de roulement des voies excède 6 mètres ou si la surface au sol des équipements excède 500 mètres carrés, cette dernière est établie après enquête publique ; dans les autres cas, le projet est porté à la connaissance des propriétaires pour leur permettre de faire valoir leurs observations (article L.134-2 du Code forestier). Les modalités de sa création par arrêté préfectoral, après consultation des conseils municipaux et de la Commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité (CCDSA), enquête pour cause d’utilité publique selon le Code de l’expropriation ou information des propriétaires et ayants droit par voie de publicité (pour leur permettre de faire connaitre leurs observations) sont précisées dans la partie réglementaire du Code forestier (articles R.134-2 / 3).
A défaut d’accord amiable, le juge fixe l’indemnité comme en matière d’expropriation ; en cas d’impossibilité d’une utilisation normale des terrains grevés, leurs propriétaires peuvent demander l’acquisition de tout ou partie du terrain d’assiette de la servitude et éventuellement du reliquat des parcelles.
La servitude permet en outre au bénéficiaire de procéder à ses frais au débroussaillement des abords de la voie (article L.134-2 du Code forestier).
2.8 Servitude du fait d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN)
L’élaboration d’un PPRN (comme d’un PLU ou d’une carte communale) est l’occasion d’une réflexion globale, en particulier sur les moyens de protéger les zones construites ou à développer. Dans ce cadre, la réalisation d’une cartographie des ouvrages de protection existants et prévus (avec indication de leurs caractéristiques principales) est souhaitable et leurs emprises doivent être déclarées inconstructibles.
Fiche DGa3 : Plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) et Plan de prévention des risques miniers (PPRM)
3 Occupation temporaire de terrains
La loi du 29/12/1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l’exécution des travaux publics permet au vu d’un arrêté préfectoral :
- de mener les opérations nécessaires à l’étude des projets de travaux publics (ainsi que civils ou militaires) exécutés pour le compte de l’Etat, des départements et des communes
- ou d’occuper temporairement un terrain, soit pour en extraire ou ramasser des matériaux, soit pour y fouiller ou y faire des dépôts de terre, soit pour tout autre objet relatif à l’exécution de projets de travaux publics.
Dans le premier cas, l’arrêté préfectoral indique les communes sur le territoire desquelles les études doivent être faites et la loi précise les délais à respecter à dater de l’affichage en mairie (10 jours, avec des formalités complémentaires en cas d’intervention dans des propriétés closes à l’exception de l’intérieur des maisons d’habitation).
Dans le second, l’arrêté préfectoral indique le nom de la commune où le territoire est situé, les numéros parcellaires et les noms des propriétaires tels que figurant sur la matrice des rôles ; il précise en outre, avec à l’appui un plan parcellaire, les travaux à raison desquels l’occupation est ordonnée, les surfaces sur lesquelles elle doit porter, la nature et la durée de l’occupation et la voie d’accès. La loi fixe les modalités de notification de l’arrêté aux propriétaires des terrains, les constatations à mener en l’absence de convention amiable ainsi que les suites à donner au procès-verbal contradictoire établi au besoin par un expert désigné par le président du tribunal administratif.
La loi détermine également les modalités d’indemnisation des propriétaires et exploitants.
Si cette procédure permet des interventions sur propriétés privées dans des délais relativement courts très appréciables notamment en situation d’urgence, elle ne donne pas pour autant le droit de s’approprier les emprises nécessaires à l’établissement d’ouvrages. Elle accompagne souvent alors la déclaration d’intérêt général ou d’urgence.
4 Opérations d’aménagement foncier rural
Les opérations d’aménagement foncier de préférence sous forme d’aménagement foncier agricole et forestier (articles L.125-1 / 35 du Code rural et de la pêche maritime) ou sous forme d’échanges et cessions amiables d’immeubles ruraux (articles L.124-1 / 13 du Code rural et de la pêche maritime), menées à la demande d’une ou de plusieurs communes sous la responsabilité du département, peuvent être mises à profit.
En particulier les opérations d’aménagement foncier agricole et forestier ont montré depuis longtemps les possibilités qu’elles offrent en matière d’aménagement du territoire communal ou intercommunal en complémentarité du PLU, à coté de leur objet premier qui est l’amélioration des conditions d’exploitation des propriétés rurales, agricoles ou forestières.
Cette forme de réorganisation foncière permet notamment de dégager les emprises nécessaires à la réalisation d’ouvrages communaux et d’équipements collectifs ou à la mise en œuvre de projets pour la protection de l’environnement et la prévention des risques naturels, en particulier par le biais d’un prélèvement modéré, tel que permis par la réglementation, sur l’ensemble des propriétés foncières ou/et d’acquisitions réalisées en cours d’opération (et si possible déjà bien avant) par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), préalablement mandatée par les collectivités maîtres d’ouvrage.
Pour en savoir plus :
Ledoux B., Larrouy-Castera X., Eau et Foncier – Guide Juridique et Pratique pour les interventions publiques sur terrains privés, DREAL Languedoc-Roussillon, mars 2010, 203 p. Téléchargeable ici en pdf