Janvier 2021
Jocelyne DESCHAUX et son équipe, Bouclier bleu France (CFBB)
Sommaire :
- Qu’est-ce que le patrimoine culturel ?
- Spécificité du patrimoine culturel
- Pourquoi le patrimoine culturel est-il fragile ?
- Pourquoi le patrimoine culturel doit-il être protégé des sinistres ou des catastrophes naturelles ?
- Quels sont les sinistres ou catastrophes naturelles lors desquels le patrimoine peut être impacté ?
- Le cas spécifique du confinement
- Quelle est la réglementation en la matière ?
- Quel est le rôle du maire en cas de sinistre impactant du patrimoine culturel ?
- Qu’est-ce qu’un Plan de sauvegarde des biens culturels (PSBC) ?
- En cas de sinistre affectant du patrimoine culturel, vers qui se tourner ?
- Le Bouclier bleu France, un réseau d’experts à votre disposition
- Fiche d’appels d’urgence 18
1. Qu’est-ce que le patrimoine culturel ?
Le patrimoine culturel comprend :
– Les sites (archéologiques ou portant la trace de l’intervention humaine, ou encore de type « jardins remarquables ») ;
– Les monuments, profanes ou religieux ;
– Les biens culturels mobiliers (archives, bibliothèques patrimoniales, musées, etc.), qui sont l’expression ou le témoignage de la création humaine ou de l’évolution de la nature et qui ont une valeur ou un intérêt archéologique, historique, artistique, scientifique ou technique. (Définition de l’UNESCO) :
- Collections de musées, (qu’ils soient labellisés Musées de France ou non) ;
- Collections patrimoniales de bibliothèque (municipale, intercommunale, universitaire, de grand établissement, etc.) ;
- Collections de centres d’archives, communales, municipales ou départementales ;
- Les objets divers et isolés, pouvant être conservés dans différents lieux de la commune (mairie, église, cimetière, salle des fêtes, écoles, etc.), inscrits ou classés à l’inventaire des Monuments historiques
Par patrimoine est également entendu par :
« l’ensemble des biens culturels, qui, à titre religieux ou profane, revêtent une importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science » (Convention Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, Rome, 24 juin 1995).
© Bouclier bleu France
Exemples :
- Collections et spécimens rares de zoologie, de botanique, de minéralogie et d’anatomie ; objets présentant un intérêt paléontologique ;
- Biens concernant l’histoire, y compris l’histoire des sciences et des techniques, l’histoire militaire et sociale ainsi que la vie des femmes et des hommes, des dirigeants, penseurs, savants et artistes nationaux, et les événements d’importance nationale ;
- Le produit des fouilles archéologiques (régulières et clandestines) et des découvertes archéologiques ;
- Les éléments provenant du démembrement de monuments artistiques ou historiques et des sites archéologiques ;
- Objets d’antiquité ayant plus de cent ans d’âge, tels qu’inscriptions, monnaies et sceaux gravés ;
- Matériel ethnologique ;
- Biens d’intérêt artistique tels que : tableaux, peintures et dessins faits entièrement à la main sur tout support et en toutes matières ;
- Productions originales de l’art statuaire et de la sculpture, en toutes matières ;
- Gravures, estampes et lithographies originales ;
- Assemblages et montages artistiques originaux, en toutes matières ;
- Manuscrits rares et incunables, livres, documents et publications anciens d’intérêt spécial (historique, artistique, scientifique, littéraire, etc.) isolés ou en collections ;
- Timbres-poste, timbres fiscaux et analogues, isolés ou en collections ;
- Archives, y compris les archives phonographiques, photographiques et cinématographiques ;
- Objets d’ameublement ayant plus de cent ans d’âge ou signés et instruments de musique anciens).
Collection de bibliothèque patrimoniale, Bibliothèque Inguimbertine de Carpentas © Wikimedia Commons
Collection archéologique, musée archéologique de Strasbourg © Wikimedia Commons
2. Spécificité du patrimoine culturel
Le patrimoine, mobilier ou immobilier, se dégrade naturellement au cours du temps sous l’effet de son utilisation et des facteurs environnementaux et climatiques, altérant ainsi ses matériaux constitutifs.
Mais dans des circonstances exceptionnelles, il est également exposé à la menace des catastrophes naturelles et anthropiques qui peuvent agir sur son intégrité et le mettre parfois rapidement en péril. La vulnérabilité des matériaux constitutifs du patrimoine culturel quel que soit le type d’événement considéré, face aux éléments de risque (cf. ci-dessous) est similaire à tout autre type de bien. Cependant, la spécificité du patrimoine culturel réside souvent dans son caractère unique et irremplaçable, ce qui implique une gestion et une protection particulière, permettant ainsi d’en réduire sa vulnérabilité.
Les risques liés aux catastrophes majeures dépendent alors de la vulnérabilité de chacun de ces matériaux, suivant leur composition chimique, leur propriété physico-chimique (inflammabilité, combustibilité, hygroscopicité, étanchéité, imperméabilité, etc.), leur état de conservation préalable, les facteurs géographiques et conjoncturels ainsi que la qualité et la rapidité des réponses prévues en cas de survenance d’un événement grave. Outre la destruction immédiate et totale du bien, de multiples facteurs d’altération peuvent aussi intervenir, qui procèdent par divers mécanismes, physiques, chimiques, biochimiques ou biologiques, plus ou moins rapides, et dépendant de la nature des matériaux.
Certains dommages peuvent ne pas être perceptibles au moment du sinistre, mais s’ils sont engagés, ils aboutiront sur un temps plus ou moins long à la perte inéluctable du bien. Cependant, lors d’un sinistre, l’eau et le feu sont souvent les principaux responsables des dommages occasionnés et même lorsqu’ils n’en sont pas la cause initiale, ils en sont presque toujours l’une des causes secondaires.
3. Pourquoi le patrimoine culturel est-il fragile ?
- Il est constitué de matériaux très divers,
- d’origine organique (papier, parchemin, cuir, bois, peintures, textile, plumes, substances naturelles ou synthétiques (colles, colorants, huiles, cires, résines, polymères synthétiques, etc.)
- ou d’origine non organique (pierre, pigments, verres synthétiques et naturels, émaux, céramiques, biomatériaux, matériaux de construction et métaux.…)
Ces matériaux sont eux-mêmes fragiles et ont des réactions différenciées face aux différents éléments : eau, air, feu.
- Le patrimoine constitué de matériaux organiques constitue un substrat nutritif pour toute une flore (moisissures, champignons) et une faune (insectes). Les déclenchements de moisissures sont très fréquents après une inondation (ou après un incendie, suite à la présence des eaux d’extinction non évacuées). Les moisissures rongent les matériaux organiques, et donc les fragilisent, produisent des taches souvent irréversibles et peuvent aller jusqu’à la destruction totale ou partielle de l’œuvre ou du document.
- Le patrimoine culturel est souvent ancien, ce qui a pour conséquence qu’il a souvent subi des dégradations, et usures anciennes plus ou moins importantes, plus ou moins récentes, qui le fragilisent. Ces dégradations ont souvent été provoquées par la poussière, l’excès de lumière, les variations trop rapides de température et d’humidité dans les locaux où il a été conservé au cours des siècles, etc.
- Parce qu’une fois dégradé ou détruit, il peut certes être restauré ou reconstitué, mais il ne s’agira plus de l’élément original, chargé d’histoire. Les travaux de restauration coûtent en général infiniment plus cher que le coût de la protection. Les délais et la durée de restauration peuvent être extrêmement longs.
La vulnérabilité des matériaux face à un sinistre se mesure par l’évaluation des dommages et des dégradations pouvant être occasionnés et entraînant des pertes de stabilité et d’intégrité tels que :
- Dommages structuraux (effondrement, éclatement, fissure, écaillage, délitage, corrosion, brûlure, etc.),
- Dégradations mécaniques (rupture, perte du pouvoir adhésif, perte de résistance, etc.),
- Fragilisation,
- Déformations (fente, gonflage, dissolution, allongement, dilatation, assèchement, détente, etc.),
- Modification de l’aspect de surface (oxydation, coloration, décoloration, dénaturation, dissolution, migration, abrasion, détachement, etc.) ;
- Parties manquantes (lacunes, trous, disparition d’éléments, etc.) ;
- Corrosion des métaux ;
- Pollution (attaques chimiques, infiltration de produits polluants, de graisse ou de suies, etc.) ;
- Prolifération des micro-organismes ;
- Destruction totale.
La gravité des dommages sera également définie en fonction du caractère irréversible de certaines transformations et de l’importance du bien culturel ou de la collection, en termes d’enjeu.
4. Pourquoi le patrimoine culturel doit-il être protégé des sinistres ou des catastrophes naturelles ?
- Parce qu’il est souvent uniqueet irremplaçable ;
- Parce que sa valeur est souvent inestimable ;
- Parce que la disparition ou la dégradation du patrimoine culturel prive les générations présentes et futures de sa mémoire;
- Parce qu’il constitue un élément majeur de l’identité d’une population, à une époque de son histoire, en tant que porteur de mémoire des êtres humains ;
- Parce qu’il représente bien souvent un attrait touristique et donc un volet économique de la collectivité (tourisme, emplois induits, venue de chercheurs) ;
- Parce qu’il est facteur de résilience de la population après une catastrophe, c’est-à-dire que sa protection ou son sauvetage permettra à la population de rebondir plus vite après le drame ;
- Parce que la protection et l’intégration des patrimoines culturels d’une collectivité dans un Plan de sauvegarde des biens culturels coûtera toujours moins cher que la restauration ou la reconstitution en cas de dégradation ou de destruction.
5. Quels sont les sinistres ou catastrophes naturelles lors desquels le patrimoine peut être impacté ?
5.1 Catastrophes naturelles
Incendies/ feux de forêt :
- Le patrimoine culturel brûlé peut être détruit ;
- S’il ne l’est pas, ce qui a été touché par les flammes est généralement irrestaurable ;
- Le patrimoine culturel est également touché souvent gravement par les eaux d’extinction.
Intervention des pompiers à l’occasion de l’incendie du château de Lunéville (Meurthe-et-Moselle), 2003. © A. Marchi
Inondations/ crues / submersion marine :
- L’eau et la force de son débit peuvent être facteurs de destruction totale de patrimoine culturel ;
- L’eau d’une inondation véhicule en général des particules ou éléments porteurs ou vecteurs de dégradations supplémentaires importantes pour le patrimoine : hydrocarbures, boues, égouts ;
- S’il s’agit d’une submersion marine, la nature salée de l’eau de mer va également endommager de façon spécifique le patrimoine culturel ;
- En moins de 48 heures peut se déclencher un développement de moisissures, si les conditions climatiques sont favorables (+ de 18°C, + de 65 % d’humidité relative).
Inondations du Gard – Le Pont du Gard. 2002. © J.P. Méger, MEEDEM
Tremblements de terre / glissements de terrain / mouvements de terrain :
- Fragilisation ou destruction des structures des bâtiments et édifices (clochers des églises, etc.) ;
- Faille dans le sol à l’endroit du patrimoine culturel.
Église de Mélas à Le Teil après le tremblement de terre en 2019 © IRMa
Tempêtes / cyclones :
- Le vent peut faire sauter les protections de base du patrimoine culturel (toit, murs, etc.).
Éruptions volcaniques :
- destruction totale ou partielle du patrimoine culturel ;
- rubrique « incendie ».
Avalanche / chute abondante de neige :
- destruction totale ou partielle du patrimoine culturel ;
- rubrique « tempêtes », « inondations », « tremblements de terre ».
5.2 Risques humains et technologiques :
- incendie d’origine humaine ou technique (installation électrique ancienne ou défaillante, etc.) ;
- Inondation par rupture d’un barrage ou d’une digue ;
- Inondation d’origine technique (rupture de joints, de canalisation, etc…)
- Explosion d’installation classée Seveso ;
- Incendie ou explosion d’unité nucléaire ;
- Transports de matières dangereuses ;
- Conduite fixe de matières dangereuses ;
- Stockage souterrain, cavité souterraine marnière ;
- Attentat ;
- Dégradation volontaire.
Risques mineurs du quotidien pouvant, si absence de réaction ou si réaction inappropriée, entraîner un sinistre majeur :
- dégât des eaux, par rupture de canalisation, rupture ou usure de joints, dysfonctionnement d’installations de plomberie, etc.
- inondation d’origine externe par encombrement d’égouts, de pluvial, gel qui a fait sauter une canalisation, travaux extérieurs, huisserie perforée, etc.
6. Le cas spécifique du confinement
On l’a constaté lors du confinement dû au Covid 19, des crises sanitaires, ou un accident nucléaire, ou encore une inondation généralisée, par crue de rivière ou fleuve, dans un secteur peuvent occasionner de devoir fermer les établissements patrimoniaux pendant un temps relativement long.
Pour autant, le patrimoine ne peut pas se passer d’un certain nombre de contrôles.
- Contrôle sanitaire :
Le contrôle sanitaire consiste à vérifier de visu que l’environnement des collections n’est pas perturbé par des facteurs de dégradation. Il s’agit de vérifier que les bâtiments et leurs équipements sont sains et en bon état, que les toitures et les tuyauteries ne fuient pas, qu’il n’y a pas d’infestation ni d’invasion biologiques, que le climat et l’air ambiant sont conformes aux attentes.
- Contrôle de sécurité :
Le contrôle de sécurité consiste à vérifier qu’un bâtiment et ses accès sont conformes aux mesures de sécurité mises en place : accès fermés, absence d’anomalie dans les parties privatives et environnantes, bon état de fonctionnement des alarmes.
Concernant les deux types de contrôles :
- Les vérifications doivent être réalisées par des personnes de confiance formées à ces veilles, qui connaissent les lieux, les faiblesses des bâtiments et des dispositifs, et les risques.
- Les contrôles en situation de confinement devraient dans l’idéal se faire quotidiennement, avec ou sans matériel et documents à remplir. Ces documents peuvent être des plans des bâtiments étage par étage et des accès.
- Les visites de contrôle doivent s’effectuer selon des trajets stratégiques choisis.
- Une visite de contrôle doit toujours faire l’objet d’un rapport de visite avec à minima la date, l’heure, le nom de la personne effectuant la visite de contrôle et des remarques : RAS si tout est normal, les remarques sont détaillées (la localisation précise en sera donnée s’il y a lieu), et enrichies de photographies.
- La personne effectuant la visite de contrôle doit avoir les moyens de contacter immédiatement des personnes de l’établissement qui soient en mesure de réagir face aux problèmes qui surgissent : appeler les secours, la gendarmerie, se rendre sur place, contacter le réseau de l’établissement, mettre en place une cellule de crise… L’ensemble de ces éléments doit se trouver dans le Plan de sauvegarde des biens culturels.
7. Quelle est la réglementation en la matière ?
Afin de prendre en compte une multiplicité de points de vue sur le patrimoine, la gestion et la conservation du patrimoine culturel sont envisagées par une collaboration entre l’État et les collectivités territoriales. Le code général des collectivités territoriales prévoit que les communes, les départements et les régions règlent avec l’État « l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique (…) » (R. 1421-5 CGCT).
Le rôle de l’État porte sur tous les secteurs d’activité du ministère concernant le contrôle et le conseil, comme la mise en place du contrôle scientifique et technique :
- Archives : pour les archives appartenant aux collectivités territoriales, le contrôle est exercé dans les départements, sur pièces ou sur place, par les directeurs des services départementaux d’archives, au nom du préfet. Dans ce cadre, les collectivités informent le préfet de tout sinistre, soustraction ou détournement d’archives (R. 1421-5 CGCT).
- Monuments historiques : Dans le cas des monuments historiques, classés ou inscrits, l’État doit veiller au maintien de leur intégrité. Cette surveillance est assurée par un contrôle scientifique et technique (CST) réalisé périodiquement par les services d’État sur la totalité des monuments historiques, y compris sur ceux qui ne lui appartiennent pas. En fonction du type de monument historique (immeuble, objet mobilier) ou du type d’intervention envisagée, différents agents au sein des services d’État sont aptes à exercer cette mission de contrôle scientifique et technique.
- Musées : les musées des collectivités territoriales ou de leurs groupements sont organisés et financés par la collectivité dont ils relèvent. Les musées, appartenant aux collectivités territoriales, auxquels l’appellation « musée de France » a été attribuée, sont soumis au contrôle scientifique et technique de l’État. Néanmoins, ce contrôle doit être appréhendé dans le cadre du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales (L410-2 et L422-11 Code du patrimoine).
- Bibliothèques : la partie réglementaire du code du patrimoine prévoit un contrôle technique de l’État sur les bibliothèques des communes. Celle-ci porte sur les conditions de constitution, de gestion, de traitement, de conservation et de communication des collections et des ressources documentaires et d’organisation des locaux (R310-9 Code du patrimoine). L’Etat contrôle également les exigences techniques et de sécurité liées à la communication des collections, en particulier des documents patrimoniaux.
En cas de péril, le code du patrimoine prévoit des obligations particulières afin de prendre des mesures nécessaires pour protéger le patrimoine culturel :
- Archives : la gestion des archives régionales est exercée par les services départementaux d’archives et les agents de l’État mis à disposition auprès des départements. En cas de péril, ces fonctionnaires « s’assurent des mesures prévues par les collectivités territoriales pour la préservation de leurs archives. » ( R212-50 et R212-52 Code du patrimoine)
- Monuments historiques meubles: lorsqu’un objet mobilier classé au titre des monuments historiques est mis en péril et lorsque la collectivité propriétaire ne veut ou ne peut pas prendre immédiatement les mesures jugées nécessaires, pour remédier à cet état de choses, l’autorité administrative peut ordonner d’urgence (…) les mesures conservatoires utiles. En cas de nécessité, l’article prévoit le transfert provisoire de l’objet dans un trésor de cathédrale, un musée ou autre lieu public, offrant les garanties de sécurité. (L622-10 et L622-10 Code du patrimoine).
- Monuments historiques immeubles : le statut de monument historique implique une responsabilité partagée entre les propriétaires et la collectivité nationale au regard de sa conservation et la protection du bien. Pour identifier et prévenir les risques, le code du patrimoine prévoit une vérification régulière de l’état sanitaire du bien. Si nécessaire, un mauvais état sanitaire peut conduire à des travaux d’urgence. En ce qui concerne les monuments historiques, c’est l’architecte des Bâtiments de France, le conservateur du monument qui veille à ce que l’édifice soit conforme aux mesures de sécurité. (L621-11 à L621-17 Code du Patrimoine)
- Musées : En cas de péril, les mesures conservatoires relèvent de la compétence du Ministère de la culture (R452-2 Code du patrimoine). Lorsque la conservation ou la sécurité d’un bien faisant partie d’une collection d’un musée de France est menacée, et que le propriétaire de cette collection ne veut ou ne peut pas prendre immédiatement les mesures de protection nécessaires, l’État peut, après un avis du Haut conseil des musées de France, mettre en demeure le propriétaire et prendre les dispositions adéquates à la situation pour y remédier.
- Bibliothèques : En cas de « sinistre, soustraction ou détournement » affectant un document patrimonial des Bibliothèques, les collectivités territoriales doivent informer le préfet de la région. (R. 311-2, Décret n° 2020-195 du 4 mars 2020)
Un outil important, permettant de prévenir les risques au patrimoine culturel et à diminuer les dommages dans le cas d’un sinistre est le plan de sauvegarde :
- Archives : Pour protéger et conserver des documents d’archives sous le cadre juridique « d’archive publique », toute personne peut déposer des documents d’état. Avec un dépôt d’archives publiques, les archives seront soumises aux conditions de conservation, de sécurité, de communication prévues par le code de patrimoine sous la responsabilité des services d’État. Afin de remplir les conditions de sécurité, un dossier doit être composé comprenant entre autres les un plan d’urgence face aux sinistres pour les archives. » (R212-25, L212-4 et R212-25 Code du Patrimoine)
- Bibliothèques : la Charte de la conservation dans les bibliothèques précise (rubrique 7 relative aux Plan d’urgence) que « toute bibliothèque (patrimoniale) doit être dotée d’un plan d’urgence ou de sauvetage des collections. Celui-ci doit être conçu avec les autorités locales d’intervention et être inclus dans les autres plans de prévention des risques existant au niveau local et national ».
- Biens culturels meubles : La note du 10 juin 2016 relative au plan de sauvegarde des biens culturels est un outil officiel de la direction générale des patrimoines du Ministère de la culture et de la communication. La note demande au chef d’établissement et aux conservateurs des cathédrales et de collections de musées et de monuments protégés de réaliser un plan de sauvegarde des biens culturels en situation d’urgence et affirme l’importance de la coopération avec les services de secours.
D’autres dispositifs en termes de prévention et gestion des risques majeurs prennent en compte la protection du patrimoine culturel :
- Les dispositions en matière de gestion des crises se trouvent au sein du dispositif opérationnel de l’Organisation de la Réponse de Sécurité Civile (ORSEC). Celui-ci définit les modes d’action propres à plusieurs types d’événements destinés à assurer notamment, la protection des biens du patrimoine culturel.
- Afin d’évaluer risques d’inondations, le code de l’environnement (articles L566-1 à L566-13) prévoit également une évaluation des territoires à risque, incluant les « conséquences négatives potentielles pour les biens, dont le patrimoine culturel ». A ce titre, les éléments patrimoniaux doivent être inclus dans les programmes de prévention des inondations (PAPI) et les plans de prévention des risques naturels (PPRN).
8. Quel est le rôle du maire en cas de sinistre impactant du patrimoine culturel ?
- Être conscient qu’en cas de catastrophe naturelle ou de sinistre, le patrimoine culturel peut être impacté, et ce très gravement, ou irrémédiablement.
- Vérifier, à toute survenue de sinistre ou catastrophe, d’origine naturelle, technologique ou anthropique, si du patrimoine culturel a été impacté.
- Être conscient que le patrimoine culturel fait partie des priorités, après les vies humaines, en cas d’urgence, au même niveau que les biens économiques.
- Exiger que, pour les patrimoines qui relèvent de sa responsabilité, soient conçus, mis en place, testés et mis à jour régulièrement des Plans de sauvegarde des œuvres, des Biens culturels, plans d’urgence, par des professionnels, pour organiser en amont la protection du patrimoine culturel (cf. ci-dessous).
- Faire approuver et voter ce Plan de sauvegarde des biens culturels en Conseil municipal, pour alerter l’ensemble des élus sur l’importance de ce dispositif.
- Faire approuver et voter la liste des œuvres ou documents prioritaires à sauver en priorité.
- Allouer les crédits nécessaires à la mise en place de ce plan de sauvegarde, pour achats de fournitures qui ne serviront qu’à cet objectif (conditionnements, kits d’intervention d’urgence, caisses de transport, etc.).
- Faire intégrer le patrimoine culturel dans le Plan communal de Sauvegarde.
- Inciter les professionnels des patrimoines communaux à travailler ensemble vers la mutualisation des locaux, des matériels et des personnels (cf. infra).
- Permettre la mise en œuvre de la mutualisation des personnels entre collectivités proches géographiquement, par exemple par des conventionnements entre collectivités de mise à disposition de personnels sur leur temps de travail en cas d’intervention sur sinistre.
- Mettre en place une réserve communale pour pouvoir disposer de « main d’œuvre » pour le sauvetage des œuvres lors d’un sinistre (sous la directive d’un professionnel du patrimoine culturel).
- Savoir qu’en cas de sinistre ou de catastrophe naturelle une réaction inappropriée peut impacter le patrimoine culturel :
- Savoir que certains gestes, mal appropriés, en terme par exemple de manipulations, peuvent accentuer les dégradations déjà produites sur le patrimoine culturel, et parfois de manière irrémédiable : appeler et laisser faire les professionnels ;
- Tenir à jour une liste des personnes à contacter en cas de sinistre ou de catastrophe naturelle sur le patrimoine ;
- Alerter les professionnels compétents (DRAC, directions de musées, bibliothèques centres d’archives proches, Bouclier bleu France pour conseils et conduite à tenir).
- Exiger, après le sinistre ou la catastrophe, un bilan et un retour d’expérience rédigé, qui prend place dans un dossier « Mémoire des sinistres», qui permettra de tirer les leçons de la catastrophe, pour mieux éviter ou préparer la réponse aux suivantes.
9. Qu’est-ce qu’un Plan de sauvegarde des biens culturels (PSBC) ?
Un plan de sauvegarde des biens culturels, (PSBC), ou Plan d’urgence est un document rédigé, voté par la collectivité, mis à jour, testé régulièrement, permettant de :
- Sensibiliser les personnels et les élus à, d’une part, l’existence des collections précieuses, de leur préciosité et de leur fragilité, et d’autre part, l’existence de risques pesant sur ces patrimoines.
- Donner une analyse des risques externes (naturels, technologiques, humains), et internes (risques propres liés aux bâtiments, aux habitudes de travail, au rangement des collections, etc.), posée également sur la mémoire des sinistres déjà survenus et les enseignements qu’on peut en tirer, ainsi qu’une hiérarchisation de ces risques selon leur probabilité à survenir, la vulnérabilité du bâtiment et leur impact sur le patrimoine culturel concerné. Connaître, faire connaître et développer les dispositifs de prévention (sécurité incendie, inondation intrusion), en y impliquant le personnel.
- Entamer une démarche de collaboration locale : avec les élus, les services du Plan communal de sauvegarde, du DICRIM (Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs), avec la DREAL (Direction régionale Environnement et Aménagement Logement du Ministère de la Transition Ecologique), avec le SDIS (Services départemental d’Incendie et de Secours), les forces de l’ordre (police nationale, gendarmerie, police municipale), avec les autres établissements patrimoniaux ou de conservation patrimoniale.
- Connaître, faire connaître, développer les dispositifs de prévision matérielle (dispositifs de limitation des dommages, kits d’urgence, matériels d’intervention, suppression des éléments amplificateurs de sinistre, préparation des équipes, etc.).
- Définir la méthode de la réponse à l’urgence: procédure, consignes, étapes, schéma et liste d’alerte, évaluation des dommages, liste de volontaires, liste des missions à répartir, mutualisation (matériel, locaux, personnels), conventionnements, liste, selon la nature des patrimoines culturels conservés dans la commune, des professionnels auprès de qui obtenir des conseils avisés, etc.
- Préparer l’évacuation d’urgence : établir la liste commentée, argumentée et validée des œuvres ou documents prioritaires (priorité 1, 2 et 3) ; identifier les collections les plus vulnérables ; marquer ou identifier ces collections prioritaires et vulnérables d’un mode de repérage convenu avec le SDIS ; acquérir et préparer le matériel d’évacuation ; préparer avec le SDIS l’évacuation (visites, exercices, etc.).
- Préparer les interventions de seconde phase: acquérir le matériel nécessaire, recenser les locaux disponibles, sécurisés et présentant de bonnes garanties de conservation pour entreposage temporaire ; recenser les entreprises prestataires potentielles (congélation, assainissement, désinfection, lyophilisation, conservation-restauration, etc.).
- Inclure le PSBC ou plan d’urgence dans la vie de l’établissement: mise à jour annuelle du PSBC, exercices annuels d’évacuation, etc.
- Compléter systématiquement à tout sinistre survenu, même minime, la Mémoire des sinistres.
10. En cas de sinistre affectant du patrimoine culturel, vers qui se tourner ?
- Les professionnels locaux de ce patrimoine culturel (conservateurs d’archives, de bibliothèques, de musées, de monuments historiques, conservateur des Antiquités et objets d’art, archéologues, régisseurs de collections, restaurateurs agréés, etc.) ;
- Les professionnels régionaux de patrimoine culturel, selon la nature du patrimoine impacté : archives départementales, musées de France, bibliothèques (municipale classée), monuments historiques, sites archéologiques, conservation des Antiquités et objets d’art, architecte des bâtiments de France, etc ;
- DRAC (Direction régionale des Affaires culturelles) : conseillers thématiques, livres, archives, musées, archéologie, patrimoine;
- Service régional de l’archéologie ;
- Ministère de la Culture / Service du Livre et de la lecture, Bureau du patrimoine : 01.40.15.73.00/74.51 ;
- Ministère de la Culture / Direction générale des Patrimoines : 01 40 15 80 00 /Service des musées de France : 01 40 15 73 00 ;
- Bibliothèque nationale de France : coordinateur du plan d’Urgence à la BNF :
http://www.bnf.fr/fr/professionnels/plan_urgence.html
- Archives nationales : Service de la conservation préventive : 01.75.47.21.02 ;
- le Bouclier bleu France (cf. ci-dessous) : 09 80 80 15 15, choix 2, astreinte urgence, de 7 h à 21 h/ presidence@bouclier-bleu.fr
11. Le Bouclier bleu France, un réseau d’experts à votre disposition
Qu’est-ce que le Bouclier bleu France ?
Association reconnue d’intérêt général fondée en 2001, le Bouclier bleu France travaille à la protection du patrimoine culturel en cas de catastrophes d’origine humaine, naturelle ou de conflits armés.
Présent sur l’ensemble du territoire français par le biais de ses sections locales, organisé en comité national et en sections locales, il regroupe près de 200 membres individuels et une centaine de membres institutionnels de domaines patrimoniaux variés : bibliothèques, archives, musées, monuments et sites, jardins remarquables, etc. Il se veut un lieu de rencontre avec les acteurs du secours (pompiers, sécurité civile, aide humanitaire, etc.) dans le but d’une connaissance et d’une formation mutuelle. Développer, pour le patrimoine culturel, la culture de la prévention des risques est la mission du Bouclier bleu France.
Le Bouclier bleu France est, depuis 2001, le relais français du Blue Shield International, lui-même créé en 1999 par les conseils internationaux des archives (ICA), des musées (ICOM), des monuments et des sites (ICOMOS) et la fédération internationale des bibliothécaires et des bibliothèques (IFLA). Il existe aujourd’hui une trentaine de comités nationaux dans le monde.
Le Bouclier bleu est un emblème défini par la Convention de La Haye en 1954. Apposé sur les monuments et sites pendant les conflits, il leur assure un statut de protection particulier.
Quelles actions au Bouclier bleu France ?
Le Bouclier bleu France développe son action sur l’anticipation des sinistres et des catastrophes pouvant impacter le patrimoine et sur les réactions appropriées. La mise en place de sections locales lui permet de mailler le territoire et d’être au plus proche des problématiques territoriales.
Ses axes d’activités :
- Informer : conférences, ateliers, rencontres, réseaux sociaux : le BbF vous tient informé de l’actualité et sur le patrimoine culturel face aux risques.
- Mener des actions de prévention et de prévision, c’est-à-dire encourager à l’élaboration de toutes les mesures qui protègent le patrimoine culturel des effets des sinistres (par exemple, les plans d’urgence dans les établissements et les édifices).
- Former : de l’analyse des risques jusqu’à l’intervention d’urgence sur le patrimoine endommagé, le BbF propose des formations (rédaction des plans d’urgence, premiers gestes sur tous les types de patrimoine en cas de sinistre) et exercices sur mesure, pour savoir gérer les risques.
- Favoriser la coopération transversale en France entre les spécialistes des différents domaines du patrimoine culturel, en les aidant à reconnaître les problématiques communes dans la préparation à la lutte contre les effets des sinistres.
- Échanger : projets européens, collaborations avec les services de l’État (ministères de la Transition écologique, de la Culture, de l’Intérieur), avec des partenaires associatifs (IFFO-RME, AFCPN) et les ONG internationales (ICOM, ICOMOS, IFLA, ICA) pour apporter l’expertise du BbF, débattre et travailler ensemble à des solutions nouvelles et durables.
- Sensibiliser les institutions comme la population à la fragilité du patrimoine culturel.
- Faciliter l’échange de « cultures » entre les spécialistes des risques, ceux du secours, et ceux du patrimoine culturel.
- Faire intégrer le patrimoine culturel dans les différents plans d’action pour la prévention des inondations.
- Intervenir : dans les sections locales BbF, groupes de travail, ou lors de projets spécifiques (bases de données, cartographies, etc.), des solutions sont élaborées pour la mise en œuvre de mesures de protection du patrimoine, depuis la phase de prévention des risques jusqu’à l’après sinistre.
Exercice de simulation d’un sinistre organisé par le BbF avec le SDIS 09, octobre 2018 © Bouclier bleu France
Bonnes raisons de rejoindre le Bouclier bleu France (BbF) :
Faire adhérer sa collectivité au Bouclier bleu France, c’est :
- Participer à une vision globale du patrimoine: du patrimoine écrit aux objets archéologiques. Le BbF transcende les catégories professionnelles et les habitudes de gestion pour anticiper l’urgence et, le cas échéant, y répondre. Le BbF permet donc aux professionnels des différents secteurs de disposer d’outils pour travailler ensemble. Les collectivités ou les établissements ne peuvent qu’en bénéficier au quotidien.
- Rejoindre et soutenir un réseau d’experts professionnels du patrimoine, très large et multi-sectoriel : le BbF est l’un des rares organismes où se côtoient des professionnels des archives, bibliothèques, musées, monuments historiques, sites archéologiques, etc.
- Permettre aux professionnels des patrimoines communaux d’apprendre et s’enrichir de l’échange, et notamment sur la problématique des risques majeurs, et notamment entre les professionnels du secours et ceux du patrimoine.
- Permettre aux professionnels des patrimoines communaux de bénéficier de formations spécifiques et à des tarifs préférentiels sur la rédaction de plans d’urgence, les exercices de simulation de sinistre, de manipulation d’objets et documents sinistrés, etc… (Le BbF est l’un des très rares organismes en France qui réalisent des exercices de formation sur feu réel).
- Intégrer et soutenir un organisme qui développe la culture de la prévention des risques et l’approche systémique de la sauvegarde, via la mutualisation entre professionnels et institutions.
Faire adhérer sa collectivité au BbF, c’est :
- Recevoir les infos Bbf via la liste de diffusion (newsletter, information sur les risques, les sinistres, la lutte contre les sinistres, les colloques et journées d’études des partenaires du BbF, etc.).
- Permettre à 2 personnes désignées/ identifiées de la collectivité ou l’établissement de participer aux AG, aux journées d’études et colloques organisés par le BbF, et en cas de section locale, aux réunions techniques.
- Bénéficier de formations gratuites ou à prix réduits pour les 2 personnes désignées de la collectivité ou l’établissement.
- Bénéficier de tarifs adhérents pour les logos rétro-réfléchissants ou pour des formations payantes.
- Faire bénéficier la collectivité ou l’établissement de la vision globale du patrimoine culturel que le BbF est l’un des rares organismes à proposer.
- Permettre aux professionnels des patrimoines culturels de recevoir une aide à distance à la rédaction des plans d’urgence.
- En cas d’existence d’une section locale dans la zone de la collectivité ou de l’établissement, permettre à 2 personnes désignées de participer aux réunions régulières techniques pour l’aide à la rédaction des plans d’urgence, la formation aux manipulations d’objets ou documents sinistrés, à la mutualisation, etc., et de développer des liens avec des personnels ayant les mêmes attributions dans d’autres établissements.
En cas de sinistre, bénéficier du réseau BbF d’experts spécialistes qui conseillent sur les organisations à mettre en place, les bons gestes à adopter pour les collections sinistrées (évacuation, conditionnement, etc.), les prestataires spécialisés à contacter, etc.
Tarifs adhésions (2020) :
- Institution : 175 € / an ;
- Commune de moins de 5000 habitants : 50 € / an ;
- Commune de 5001 à 20000 habitants : 100 € / an ;
- Commune de plus de 20000 habitants : 175 € / an ;
- Département / grande agglomération : 300 € / an ;
- Région : 450 € : an.
Fiche d’appels d’urgence
(Fiche à compléter dès réception, en amont de tout sinistre)
Télécharger la fiche au format PDF