Mise à jour : février 2021
Pascal BELIN, chargé d’études – Cerema
Ghislaine VERRHIEST-LEBLANC, cheffe de mission – MIIAM
Sommaire :
En termes de sécurité civile, les concepts de vigilance, alerte et information renvoient à différents acteurs et à des responsabilités bien définis. Il est nécessaire de bien les comprendre.
1 – Vigilance, alerte : définitions
L’alerte, selon le sens commun du dictionnaire, est un appel, un signal qui prévient de la menace d’un danger, invite à prendre les mesures pour y faire face. Pour la sécurité civile, deux types de procédures d’alerte existent, l’alerte des acteurs du dispositif de gestion de crise et l’alerte des populations.
L’alerte des acteurs du dispositif de gestion de crise par les autorités consiste à diffuser une information à un moment donné à l’ensemble des acteurs pertinents pour qu’ils mettent en œuvre les actions relevant de leurs domaines de compétences. Les mesures à appliquer peuvent être soit explicitées dans le message diffusé, soit prédéfinies dans une planification opérationnelle. Pour les communes, cette planification correspond au Plan communal de Sauvegarde (PCS). Parmi les actions devant être planifiées dans le PCS, l’article R731-3 du code la sécurité intérieure précise : « Le PCS comprend : […] l’organisation assurant la protection et le soutien de la population qui précise les dispositions internes prises par la commune afin d’être en mesure à tout moment d’alerter et d’informer la population et de recevoir une alerte émanant des autorités. Ces dispositions comprennent notamment un annuaire opérationnel et un règlement d’emploi des différents moyens d’alerte susceptibles d’être mis en œuvre ». L’alerte de la population est donc une action prioritaire du PCS.
L’alerte des populations est une procédure relevant de la responsabilité des autorités investies d’un pouvoir de police : le maire, le préfet de département, le préfet de police de Paris ou le premier ministre. Le guide ORSEC « alerte et information des populations », diffusé en 2013, a précisé la définition de l’alerte et de l’information des populations :
- « l’alerte des populations consiste en la diffusion, par les autorités et en phase d’urgence, d’un signal destiné à avertir des individus d’un danger, imminent ou en train de produire ses effets, susceptible de porter atteinte à leur intégrité physique et nécessitant d’adopter un comportement réflexe de sauvegarde ». L’alerte fonctionne suivant une logique de tout ou rien. La condition de son efficacité est de n’être diffusée qu’aux personnes directement concernées par l’événement.
- « l’information des populations a pour objet de diffuser des consignes de comportement de sauvegarde par anticipation ou concomitamment à un danger susceptible de porter atteinte à l’intégrité physique d’individus, de notifier, si nécessaire, la fin d’alerte c’est-à-dire la fin de la situation de péril. »
La réglementation prévoit un cas particulier de diffusion de l’alerte des populations pour les Plans Particuliers d’Intervention (PPI). Les PPI sont des dispositions spécifiques ORSEC pour des ouvrages ou installations fixes présentant des risques particuliers (installations Seveso, nucléaire, grands barrages …). En cas de danger immédiat, les exploitants peuvent être amenés à prendre des mesures d’urgence avant l’intervention de l’autorité de police et pour le compte de celle-ci. A ce titre le PPI peut prévoir que l’exploitant diffuse l’alerte auprès de la population. (Art R 741-22 du CSI).
La vigilance est un état de veille et de suivi. Son but est d’attirer l’attention sur l’occurrence probable de phénomènes potentiellement dangereux sur une zone donnée et de permettre de se mettre en situation d’agir de manière appropriée si le danger se précise. Si tel est le cas, l’état de vigilance peut déboucher sur une alerte.
Le concept de vigilance a d’abord été mis en œuvre pour les aléas météorologiques avec la création, en 2001, de la carte de vigilance météorologique produite par Météo-France. Dans ce cadre, une confusion est très souvent faite entre les termes de vigilance et d’alerte. Le changement de couleur de la carte ne correspond pas à une alerte de la population par les autorités, mais à une diffusion d’information par Météo France. C’est ensuite aux maires et préfets qu’il revient de décider des actions à réaliser en fonction du contexte local du risque, information ou déclenchement si nécessaire d’une alerte des populations exposées. Ainsi la transmission par la préfecture d’une alerte aux communes indiquant un changement de couleur a comme objectif de les faire passer d’un mode de veille courant à une posture de suivi opérationnelle. Le but est que les communes surveillent l’évolution du phénomène et se préparent à agir selon les besoins en fonction de leur analyse menée à partir des connaissances locales du risque, des informations de prévision et de leurs observations de terrain. Cette posture de suivi opérationnel peut être déclenchée par la commune de sa propre initiative, sans attendre une alerte transmise par le préfet, en fonction du contexte local (par exemple pour certaines communes dès la vigilance jaune).
Sur un territoire donné, la vigilance, l’alerte, la sauvegarde et la prévention ne peuvent être construites indépendamment l’une de l’autre.
Pour en savoir plus :
Ministère de l’Intérieur / DGSCGC; Guide ORSEC alerte et information des populations tome G.4, 2013, 88 pages, Téléchargeable ici en PDF et sur le site du ministère de l’Intérieur
Page du ministère de l’Intérieur sur l’alerte et l’information des populations https://www.interieur.gouv.fr/Alerte/Alerte-ORSEC
MIIAM, Plaquette « Vigilance et alerte inondation », 2019, 1 page, Téléchargeable ici en pdf et sur le site de la DREAL PACA
2 – Les phases de l’alerte
Le terme « alerte » est générique, il englobe les trois phases de la procédure d’alerte, à savoir sa réception, son traitement et éventuellement une diffusion à la population.
La procédure d’alerte : réception, traitement et diffusion à la population- source Guide pratique d’élaboration d’un PCS 2005 :
2.1 La réception de l’alerte
Le plan Orsec organise la mobilisation, la mise en œuvre et la coordination des actions de toute personne publique et privée concourant à la protection générale des populations. Chaque personne publique ou privée recensée dans le plan Orsec précise les dispositions internes lui permettant à tout moment de recevoir ou de transmettre une alerte (art R741-1 du CSI).
Une fonction de veille continue doit donc être mise en place dans la commune. Il s’agit d’être en mesure de réceptionner, évaluer et retransmettre toutes informations, avertissements ou alertes provenant des divers canaux et ce en toutes circonstances (heures ouvrables/non ouvrables, semaine/week-end). Cette fonction est une des bases de l’organisation communal de gestion de crise.
Selon les circonstances, l’alerte peut provenir de différentes sources : préfet, service de secours, témoin, dispositif local de surveillance d’un aléa, exploitant d’une installation…
2.2 Le traitement de l’alerte
Tout message d’alerte doit être traité dans le plus bref délai. Il convient avant tout de s’assurer que le maire a bien reçu l’alerte et, s’il n’en a pas été le destinataire, de l’en informer. Il s’agit ensuite de déterminer les actions à réaliser selon la situation.
L’ensemble des acteurs de l’organisation communale de crise n’est pas systématiquement alerté. Selon la situation et les mesures envisagées, la personne qui a reçu l’alerte pourra procéder à une mise en veille de la collectivité (information des élus, voire également des agents), à l’alerte du personnel d’astreinte ou désigné (personne(s) devant assurer une première évaluation de la situation, le suivi des bulletins de vigilance, une surveillance sur le terrain, voire la prise des premières mesures d’urgence), ou à l’alerte de l’ensemble des membres de l’organisation. Ces trois possibilités peuvent également constituer des phases de montée en puissance du dispositif.
Exemple de procédure de montée en puissance de l’organisation communale – source Guide pratique d’élaboration du volet inondation d’un PCS 2019 :
L’alerte interne au dispositif communal doit être très performante et fiable pour permettre la mise en place rapide des équipes en toute situation.
De la même manière et en parallèle, une attention particulière doit être portée aux établissements particulièrement vulnérables, comme par exemple les terrains de camping et de caravanage vis-à-vis des inondations ou des tempêtes pour lesquels un point précis mérite d’être fait avec les exploitants.
2.3 La diffusion de l’alerte à la population
L’alerte des populations consiste à faire adopter par les habitants un comportement adéquat pour se mettre en sécurité en appliquant les consignes, par exemple celles prévues par le DICRIM. Il faut ensuite l’informer de l’évolution de la situation, tout au long de l’évènement, puis de la fin du sinistre, une fois le danger écarté et les mesures d’accompagnement levées.
Le maire doit utiliser tout moyen disponible sur le territoire de sa commune pour garantir l’efficacité de l’alerte. Il n’existe malheureusement aucun système de transmission infaillible, ni qui permette de toucher l’ensemble de la population (répertoires des systèmes téléphoniques d’appel en masse non à jour, messages diffusés par haut-parleur non entendus par les personnes disposant de doubles-vitrages etc.). Il est donc nécessaire de combiner plusieurs moyens d’alerte, de manière à ce qu’un maximum de personnes reçoive l’information.
Le choix des moyens d’alerte dépend par ailleurs de la situation en cours : une mise à l’abri liée à un dégagement de produits toxiques ne peut par exemple pas être demandée à l’aide de haut-parleurs, qui nécessitent que les personnes soient à l’extérieur pour saisir le message.
Il convient enfin de s’assurer que tous les habitants disposent des informations nécessaires pour comprendre le message d’alerte et appliquer les consignes de sécurité adéquates. La réception d’un signal ou d’un message ne doit laisser aucune ambiguïté quant à la conduite à tenir pour chaque individu, ce qui explique l’étroit lien entre information préventive et alerte des populations.
Fiche DGv2 : Présentation du dispositif ORSEC
Fiche DGv3 : Articulation entre le dispositif ORSEC et l’organisation propre des acteurs
Fiche DGv5 : Moyens d’alerte et d’information
Il convient de bien distinguer les notions de vigilance et prévision en revenant au fondement de création de la procédure de vigilance et d’alerte météorologique. Il a été demandé à Météo-France de valoriser ses prévisions pour « susciter et favoriser une attitude de vigilance partagée par le plus grand nombre d’acteurs possibles (…) Cela implique que chacun puisse accéder directement et simultanément à l’information émise par Météo-France (cartes de vigilance et bulletins de suivi)». La carte de vigilance n’est donc que la synthèse forcément réductrice (4 niveaux de couleur) d’une prévision qui est détaillée dans les bulletins de suivi associés.
La définition des niveaux de vigilance et la représentation départementale de la carte correspondent à une demande de la part des services chargés de la sécurité civile de « simplifier et recentrer l’alerte des autorités sur des phénomènes vraiment intenses (couleurs orange ou rouge) qui, par leurs conséquences sur la population, permettent de justifier la mise en œuvre d’un dispositif de gestion de crise départemental (y compris une simple pré-alerte des autorités ou un pré-positionnement des services de secours). ». Le dispositif a été conçu en premier lieu pour optimiser la réponse des services de sécurité civile au niveau départemental et national, le niveau orange correspondant à une mobilisation possible de moyens à l’échelle du département et rouge à une mobilisation de moyens extra départementaux. Ce n’est donc pas une échelle locale de risque. Des conséquences significatives peuvent avoir lieu localement dès le niveau jaune.
Pour en savoir plus :
MIAT / DDSC, Plan Communal de Sauvegarde – Guide pratique d’élaboration, 2005, 206 p. (voir fiche n°12 : Donner un sens à l’alerte, page 75 / fiche n°13 : Elaborer une cartographie de l’alerte, page 77 / fiche n°14 : Le règlement d’emploi des moyens d’alerte, page 83). Téléchargeable ici en PDF et sur le site du ministère de l’Intérieur
3 – La vigilance spécifique aux risques naturels
La vigilance a pour but d’informer les autorités et le public et d’anticiper une montée en puissance de la réponse de sécurité civile et éventuellement le déclenchement d’une alerte à la population. La vigilance est un indicateur de danger potentiel, basé sur des prévisions. Les prévisions sont des hypothèses sur l’avenir. Elles sont donc entachées d’incertitudes. L’incertitude est subie, c’est un paramètre lié à la prévision, limiter l’incertitude revient à réduire les délais d’anticipation. Le niveau d’incertitude est un élément majeur pour la prise de décision par les autorités de gestion de crise.
Développé pour les aléas météorologiques avec la création, en 2001, de la carte de vigilance météorologique produite par Météo-France le principe a été ensuite repris en 2006 pour les crues par la carte Vigicrues diffusée par le service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations (SCHAPI). Vigicrues regroupe l’information produite par les services de prévision des crues (SPC) de l’Etat qui évaluent les risques de débordement des principaux cours d’eau métropolitains, dits « cours d’eau réglementaires ».
Les cartes de vigilance sont produites au minimum deux fois par jour. Elles synthétisent selon un code de quatre couleurs, à quatre niveaux d’intensité croissante (vert, jaune, orange et rouge), la dangerosité pour les 24 heures à venir des phénomènes potentiellement attendus.
La carte de vigilance météorologique couvre 9 phénomènes : vent violent, vagues-submersions, pluie/inondation, crues, orages, neige/verglas, avalanches, canicule, grand froid. Elle intègre la vigilance ≪ crues ≫ de Vigicrues.
La définition des niveaux de vigilance et leur représentation, départemental pour la météo ou par tronçon de cours d’eau pour les crues, ont été conçues pour optimiser la réponse des services en charge de la sécurité civile aux niveaux départemental et national. Le niveau orange correspond ainsi à une mobilisation possible de moyens à l’échelle du département et le rouge à une mobilisation de moyens extra départementaux. Ces dispositifs ne sont donc pas des échelles locales (communales) de risque. Des conséquences significatives peuvent avoir lieu localement dès le niveau jaune.
La lecture des dispositifs de vigilance uniquement axée sur les niveaux de couleur des cartes n’est pas suffisante pour gérer un événement. Les cartes sont la représentation la plus synthétique des informations de prévision. Elles sont destinées à faciliter la communication. Pour disposer des informations de prévision les plus précises il faut consulter systématiquement les bulletins de suivi, départementaux de Météo-France ou des SPC, associés aux cartes.
Il appartient à l’autorité de police (le préfet avec l’appui du service en charge de la vigilance ; le maire avec, si nécessaire, le concours de la préfecture ou/et d’experts) d’analyser les informations fournies, en tenant compte à la fois de l’échelle géographique de présentation des données et des particularités du territoire d’application. Ainsi, le niveau de vigilance jaune, qui à priori ne fait l’objet d’aucune alerte préfectorale, peut justifier au niveau communal la mise en œuvre de dispositions particulières (par exemple en matière d’inondation si certains enjeux locaux, comme des parkings ou des voies sur berge, peuvent être menacés).
Par ailleurs, certains phénomènes sont parfois mal ou non appréhendés par les dispositifs nationaux de vigilance (rivières ne relevant pas du dispositif Vigicrues ou phénomènes plus locaux, non ou difficilement prédictibles à partir de la seule vigilance météo, exemple les avalanches). Aussi, selon les caractéristiques physiques d’un territoire et de sa vulnérabilité associée, il peut être utile aux autorités locales de renforcer le dispositif national afin de disposer d’informations plus pertinentes et ainsi de prendre des mesures proportionnées, par exemple en ce qui concerne la mise en sécurité préventive des populations.
La mise en place d’un suivi local est à étudier au cas par cas. Cela peut consister à la création d’un réseau d’observateurs, à l’installation d’un dispositif de surveillance locale, à un abonnement à un dispositif existant ou à un prestataire de service…
Les solutions à mettre en place dépendent du contexte local, notamment du type d’aléa à traiter. Elles peuvent être développées soit au niveau communal soit à l’échelle intercommunale pour un bassin de risque plus étendu.
Ce thème est abordé dans les différentes fiches RN et parfois développé dans la documentation associée.
Pour en savoir plus :
Carte de vigilance pour la métropole, sur le site de Météo-France.
MI-DGSCGC/MIIAM/Cerema/IRMa, Guide pratique d’élaboration du volet inondation d’un PCS, 2019, 95 pages, fiche D : Organiser l’anticipation des phénomènes page 56, Téléchargeable ici en PDF
MTES-DGPR, Guide méthodologique – Conception et mise en œuvre d’un système d’avertissement local aux crues, 40 pages, Téléchargeable ici en PDF
CEPRI, Prévision et anticipation des crues et des inondations, 2017, 70 pages, Téléchargeable ici en PDF
MIIAM/Cerema, plaquette Mieux anticiper les inondations rapides méditerranéennes, 2021, 12 pages, Téléchargeable ici en pdf
Site Vigicrues : information sur la vigilance « crues »
MTES/Météo-France, plaquette Avertissement pluies intenses à l’échelle des communes (APIC) et VIgicrues Flash, 2018, 8p. Téléchargeable ici en PDF et abonnement pour les communes sur https://apic.meteo.fr/
ANEMA, Guide pratique à l’intention des élus et des services communaux pour la gestion d’une crise Avalanche, hors activités sportives, 2013, 101 pages, Téléchargeable ici en PDF