Mise à jour : octobre 2021
Michel BACOU, Chargé d’études risques naturels – Cerema
Paul GUERO,Chargé d’études en prévention des risques – Cerema
Sommaire :
- Les servitudes de droit privé
- Les servitudes administratives affectant l’utilisation des sols
- Exemples de servitude d’utilité publique :
- le plan de prévention des risques naturels (PPRN)
- les servitudes de surinondation
- les servitudes liées au transport de matières dangereuses
Les servitudes constituent des charges existantes de plein droit sur des immeubles, bâtiments ou terrains, ayant pour effet soit de limiter, voire d’interdire, l’exercice des droits des propriétaires sur ces immeubles, soit d’imposer la réalisation de travaux. Il existe différentes catégories de servitudes pouvant affecter l’utilisation du sol et notamment les servitudes de droit privé et les servitudes administratives affectant l’utilisation des sols.
1 – Les servitudes de droit privé
Si la loi française définit diverses servitudes répondant à la défense de l’intérêt public, elle en définie également certaines relatives à la défense des intérêts privés, telle par exemple que les servitudes de passage.
La servitude telle que prévue aux articles 637 et suivants du Code civil est une contrainte qui s’impose au propriétaire d’un bien, au profit du propriétaire d’un autre bien. Il peut s’agir par d’une servitude de vue, par exemple.
Les autorisations d’occuper le sol sont toujours délivrées sous réserve du droit des tiers. Autrement dit, il n’y a pas lieu, en principe, de tenir compte des servitudes privées dans l’instruction des autorisations d’occuper le sol.
Les servitudes de droit privé n’étant pas constitutives de règles d’urbanisme, leur violation ne peut motiver un refus de permis de construire, au titre du code de l’urbanisme. En outre elles ne concernent jamais le domaine public.
2 – Les servitudes administratives affectant l’utilisation du sol
Les servitudes administratives « grèvent une propriété » et sont établies au profit de la collectivité des citoyens dans un but d’intérêt général. On distingue les servitudes d’urbanisme et les servitudes d’utilité publique. La différence entre les deux types relève de leur origine juridique.
- les servitudes d’urbanisme découlent du Code de l’urbanisme, notamment en l’absence de plan local d’urbanisme ou de document en tenant lieu, elles sont notamment visées par les articles L.112-1 et suivants du Code de l’urbanisme, ou, lorsqu’il existe du règlement du document d’urbanisme de référence applicables dans une zone : plan local d’urbanisme (PLU), éventuellement intercommunal ou de document en tenant lieu.
- Les servitudes d’utilité publique (SUP) affectant l’utilisation du sol sont instituées selon les règles propres à chacune des législations distinctes du Code de l’urbanisme et spécifiques à l’objet de la servitude. Ces limitations du droit de propriété peuvent être instituées au bénéfice de personnes publiques (Etat, collectivités locales, établissements public), des concessionnaires de services ou de travaux publics (Gestionnaires de réseaux de Gaz – GRT Gaz), ou de personnes privées exerçant une activité d’intérêt général (ex : concessionnaires d’énergie hydraulique).
Ces SUP, résultant de législations particulières, affectent directement l’utilisation des sols ou la constructibilité, elles sont inscrites dans une liste dressée par décret en Conseil d’Etat et annexée au livre 1er – Reglementation de l’urbanisme du Code de l’urbanisme.
Elles sont réparties en 4 grandes catégories :
- les servitudes relatives à la conservation du patrimoine naturel, culturel et sportif. Il s’agit par exemple des sites classés, des sites inscrits, des forêts de protection pour cause d’utilité publique, de la protection des captages d’eaux potables et d’eau minérales, etc. ;
- les servitudes relatives à l’utilisation de certaines ressources et équipements : énergie, mines et carrières, canalisations, communications, télécommunications
- les servitudes relatives à la Défense nationale.
les servitudes relatives à la salubrité et à la sécurité publique. C’est notamment le cas des Plans de Prévention des Risques
2.1 Institution des servitudes d’utilité publique
Les SUP sont créées par des lois ou règlements particuliers. Souvent, la loi ne fait que définir les objectifs et les caractéristiques de la servitude.
Un décret, généralement pris en Conseil d’Etat, complète ensuite ces dispositions législatives en fixant les modalités d’application notamment par la mise au point de la procédure d’établissement de la servitude et les principales caractéristiques des limitations au droit d’utiliser le sol qu’elle permet d’édicter.
Localement, les servitudes sont, pour la plupart, instituées à l’issue d’une déclaration d’utilité publique. La reconnaissance de cette utilité se fait au cours d’une enquête publique. Les SUP affectant l’utilisation du sol sont soumises à publicité.
Le service de l’Etat chargé de l’urbanisme dans le département, en général la direction départementale des territoires (et de la mer) (DDT(M)) est investi d’une mission de collecte et de conservation des actes instituant les SUP affectant l’utilisation du sol.
2.2 En l’absence de document d’urbanisme
La SUP est généralement notifiée au maire par l’autorité organisatrice de la Déclaration d’Utilité Publique (DUP), par son bénéficiaire et par les mesures de publicité auxquelles elle est soumise.
L’autorisation d’occupation du sol ne peut pas être accordée, dès lors que le projet n’est pas conforme à une SUP affectant l’utilisation du sol régulièrement instituée et publiée.
2.3 Les servitudes d’utilité publique dans le PLU ou dans le document d’urbanisme de référence
2.3.1 Le porté à connaissance des servitudes d’utilité publique
Le préfet doit porter les SUP à la connaissance de la collectivité en charge de l’élaboration du PLU(i) dès lors que l’élaboration ou la révision du document d’urbanisme est prescrite par cette dernière.
2.3.2 L’annexion des servitudes d’utilité publique au PLU(i)
Les PLU doivent comporter en annexe les SUP affectant l’utilisation du sol (article L 151-43 du Code de l’urbanisme).
La liste des SUP applicables est en général reprise dans un tableau dont la forme varie selon les PLU. Ce tableau comporte en général la dénomination de la servitude, la référence de l’acte juridique qui l’a instituée, le nom du service gestionnaire et parfois une courte description des effets de la servitude.
Les SUP doivent être annexées au PLU sans délai.
Le préfet est alors tenu de mettre en demeure le maire d’annexer les servitudes applicables, dans le délai de 3 mois. Passé ce délai, le préfet procède d’office à l’annexion des SUP applicables par arrêté (article L153-60 du Code de l’Urbanisme).
On notera qu’en cas de caducité du document d’urbanisme les SUP qui y étaient annexées « survivent » à ce document et restent donc applicables aux actes d’urbanisme.
2.3.3 Mise à jour des servitudes d’utilité publique dans l’annexe du PLU
Lorsque les SUP sont instituées, il est nécessaire de procéder à la mise à jour des annexes du document d’urbanisme. Les nouvelles SUP doivent être annexées au PLU. Le préfet dispose là encore d’un pouvoir de substitution, après mise en demeure du maire. Si le maire n’effectue pas la mise à jour de l’annexe du PLU dans le délai de 3 mois, le préfet y procède d’office dans un délai de un an.
2.4 Effets juridiques des servitudes d’utilité publique
Les SUP produisent leurs effets lorsque l’ensemble des formalités concernant la procédure propre à chacune d’elles a été accompli.
Les SUP sont d’ordre public. Il n’est pas possible d’y déroger par voie conventionnelle.
Les SUP constituent des charges qui peuvent aboutir à certaines interdictions ou limitations à l’exercice par les propriétaires de leur droit de construire, et plus généralement d’occuper ou utiliser le sol ; à supporter l’exécution de travaux ou l’installation de certains ouvrages ;
plus rarement, à imposer certaines obligations de faire à la charge des propriétaires (travaux d’entretien ou de réparation).
Les SUP peuvent dans certains cas donner lieu à indemnisation, contrairement aux servitudes d’urbanisme qui elles, sont soumises au principe de non indemnisation sauf dans de rares cas définis à l’article L105-1 du Code de l’Urbanisme « une indemnité est due s’il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l’état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ».
A noter : En cas de conflit entre une servitude d’utilité publique et le règlement d’un document d’urbanisme, c’est la règle la plus sévère qui prévaudra lors de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme.
3 – Exemples de servitude d’utilité publique :
3.1 le plan de prévention des risques naturels (PPRN)
L’article 40-4 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 a créé le plan de prévention des risques naturels prévisibles. L’article L 562-4 du Code de l’environnement dispose qu’une fois approuvé, il vaut servitude d’utilité publique. Il doit donc être à ce titre annexé au PLU, comme indiqué plus haut.
Le PPR réglemente l’utilisation des sols en tenant compte des risques naturels identifiés et de la non aggravation des risques. Cette réglementation va de la possibilité de construire sous certaines conditions à l’interdiction de construire dans les cas où l’intensité prévisible des risques ou la non aggravation des risques existants le justifie.
Le certificat d’urbanisme, la déclaration préalable ou le permis doivent nécessairement respecter le PPR approuvé ou applicable par anticipation.
Le fait de construire ou d’aménager un terrain dans une zone interdite par un PPR approuvé ou de ne pas respecter les prescriptions qu’il contient, est constitutif d’infractions et fait encourir les peines prévues par le Code de l’urbanisme. On pourra se reférer à la fiche DGa3.
3-2 Les servitudes de surinondation
La loi « risques » de 2003 dans son article 48 a introduit la possibilité de créer des servitudes de surinondation. La définition de ces servitudes est définie dans l’article L211-12 du Code de l’Environnement.
Elles permettent, comme leur nom l’indique d’assurer un stockage supplémentaire de l’eau et donc de réduire l’impact des inondations sur les terrains situés à l’aval. Cette surinondation est généralement rendue possible par la réalisation d’ouvrages hydrauliques conçus dans cette finalité et concertés à l’échelle de l’ensemble du bassin versant.
Comme toute instauration de SUP, il est nécessaire de mener une enquête publique préalablement à l’instauration de la servitude (article R211-96).
Les terrains grevés par cette servitude deviennent donc inondables, ou davantage inondables s’ils l’étaient déjà : par rapport à la situation antérieure aux aménagements, il y a donc une perte de valeur des-dits terrains. À ce titre il devient dès lors possible d’agir en faveur des propriétaires et ce de trois façons :
- Par indemnisable au titre de l’exposition plus importante des terrains concernés vis-à-vis du risque inondation, car ces terrains subissent une perte de valeur foncière, mais également liés à la perte des récoltes, des cultures, du cheptel, ou des matériels causés par une sur-inondation liée à une rétention temporaire des eaux.
- Par ouverture du droit de délaissement du propriétaire des terrains au profit du bénéficiaire de la servitude, en cas d’impact que le propriétaire initial jugerait trop important.
Après la remise des conclusions de l’enquête publique le préfet statue sur l’instauration de la servitude dans les trois mois. L’arrêté préfectoral instaurant la servitude est notifié aux maire(s), propriétaires impactés et bénéficiaire de la servitude. Ce dernier a alors 3 mois pour fixer à l’amiable les montant et conditions d’indemnisation, faute de quoi le juge des expropriations sera saisi.
3-3 Les servitudes liés au transport de matières dangereuses
Des SUP doivent également être instituées autour des canalisations de transport de matières dangereuses, soumises à autorisation au titre des ICPE, depuis 2012 pour les nouvelles canalisations et depuis fin 2019 pour les canalisations existantes. L’objectif de ces servitudes est de contrôler l’urbanisation autour de ces canalisations afin de protéger les riverains des dommages éventuels : endommagement, rupture, explosion, etc.
Ces servitudes encadrent la construction et l’extension des Établissements Recevant du Public (ERP) de plus de 100 personnes ainsi que les Immeubles de Grande Hauteur (IGH). Elles n’impactent pas, ou très peu, les autres types de construction.
Il est à noter qu’un grand nombre de canalisations de transport sont déclarées d’utilité publique ou d’intérêt général et font déjà l’objet à ce titre de servitude en vue de leur construction ou de leur exploitation (protection des canalisations des agressions extérieures). Ces servitudes, qui sont d’une autre nature, restent applicables et viennent en complément des SUP liées à la prise en compte des risques.