RT 4 – Rupture de barrage

Barrage Monteynard

Mise à jour : décembre 2020

Patrick LE DELLIOU, président honoraire du CFBR (Comité Français des Barrages et Réservoirs)

 

 Sommaire :

 

1  Définitions

Les barrages peuvent avoir une origine naturelle, comme par exemple ceux qui se sont formés sous l’action de glaciers ou de mouvements de versant ; leur rupture peut être catastrophique. Ce type de risque est évoqué dans les fiches risques naturels.

La présente fiche traite des barrages créés par l’homme (parfois d’ailleurs en surélevant et en renforçant des zones formant des retenues naturelles d’eau) pour répondre à des besoins croissants de stockage d’eau depuis le Néolithique : irrigation, approvisionnement en eau potable, navigation, énergie, protection des personnes, etc.

Ces ouvrages artificiels sont établis généralement en travers d’une vallée, barrant le lit mineur ou tout ou partie du lit majeur, parfois d’un talweg transformant ainsi en réservoir un site naturel approprié. Ils peuvent aussi être établis en des sites plus ou moins à l’écart de la vallée, la retenue étant alors alimentée par dérivation ou par pompage.

Les barrages de retenue d’eau la retiennent, de façon permanente ou non. Un premier classement peut être effectué selon la ou les fonctions de l’ouvrage ou selon son type d’implantation ; c’est ainsi que par exemple l’on distingue :

  • les barrages permettant l’exploitation des retenues d’eau : pour la production d’énergie (hydroélectricité en particulier), pour l’alimentation en eau potable (AEP), pour la défense incendie (dont la défense des forêts contre l’incendie (DFCI)), pour l’irrigation, pour la navigation (avec les écluses), pour l’enneigement artificiel, pour les loisirs (dont la pêche), pour le soutien d’étiage, etc. Ces ouvrages peuvent créer des capacités de retenue importante (barrages de lac) ou être des barrages au fil de l’eau en plaine ou aménagés sur les fleuves ou les rivières importantes ;
  • les ouvrages de protection des populations qui sont proches des zones habitées et qui restituent progressivement les eaux stockées momentanément. Ils sont en général vides et ne se remplissent qu’en période de forte hydraulicité. Ce sont les ouvrages de gestion des crues (barrages écrêteurs de crues, ouvrages de ralentissement dynamique, « digues » sèches de protection contre les crues).

De nombreux barrages peuvent jouer plusieurs rôles différents (par exemple soutien d’étiage en période sèche et écrêtement des crues à d’autres moments de l’année).

D’autres ouvrages sont conçus pour retenir des matériaux, en les arrêtant ou en empêchant leur départ : ouvrages de décantation des rejets de mines ou de chantiers, ouvrages de protection contre les risques naturels en montagne (ouvrages de défense active tels les seuils et barrages de correction torrentielle pour stabiliser les lits et les versants, ouvrages de défense passive à proximité des enjeux tels les plages de dépôt pour stocker l’excédent de transport solide et arrêter les embâcles).

Tous ces barrages peuvent aussi être distingués selon leur forme ou selon les matériaux qui les constituent, l’option retenue à la construction étant fondée principalement sur les données du site (topographie, géologie, accessibilité, etc.) mais également sur les caractéristiques souhaitées, les matériaux et les techniques disponibles, l’état de l’art, le bilan économique. Très sommairement, on peut distinguer :

  • selon la forme et la structure : les barrages-poids, les barrages-voûtes, les barrages à contreforts ou à voûtes multiples, les barrages en remblai (en terre homogène, à masque amont étanche, à noyau central étanche), les barrages mobiles en rivière constitués d’une succession de piles traversant les rivières et barrés par des ouvrages vannés (vannes, clapets, boudins gonflables…)  ;
  • selon les matériaux : en bois, en pierre maçonnée, en béton conventionnel, béton compacté au rouleau (BCR), parfois en éléments préfabriqués), en métal, en matériaux meubles (terre, enrochements), avec ou sans géomembranes, etc.

Types barrages

Les barrages comportent parfois, pour assurer leur fonction, des ouvrages annexes que l’on rattache généralement à l’ouvrage principal, comme par exemple les petits barrages de fermeture de col ou les digues longitudinales constituant avec l’ouvrage de fermeture une plage de dépôt.

Quelle que soit la qualité de la conception, de la réalisation et de la surveillance, des évènements exceptionnels ne peuvent être exclus et la dangerosité potentielle d’un barrage peut en première analyse être approchée par ses deux principales caractéristiques physiques que sont la hauteur (mesurable au-dessus des fondations ou au-dessus du terrain naturel) et la capacité retenue maximale.

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2  Nature, causes et effets

Le phénomène pouvant conduire à une rupture de barrage correspond à une destruction partielle ou totale de l’ouvrage, à même de se traduire, en situation extrême, par la vidange rapide de la retenue d’eau et donc de provoquer à l’aval une onde de submersion majeure et dévastatrice.

Le mode de rupture susceptible d’affecter un barrage dépend généralement de ses caractéristiques. Ainsi, la rupture peut être :

  • plutôt progressive (tout au moins au début) dans le cas des barrages en remblais, soit par érosion externe par suite d’une submersion de l’ouvrage ou à un ruissellement sur le parement aval, soit par érosion interne par suite de l’entraînement des matériaux à travers l’ouvrage ou ses fondations (phénomène de  » renard « ) ;
  • plutôt brutale dans le cas des barrages en béton, en cas de déficience des terrains d’appui, de dégradation de la structure ou de la géométrie de l’ouvrage.

Il y a généralement des signes avant-coureurs qui peuvent être détectés par les systèmes de surveillance mis en place (mesures de déplacement, de pression, de fuites) et qui permettent, si nécessaire, de mettre en sécurité l’ouvrage par une vidange volontaire partielle ou totale de la retenue. Toutefois, une crue d’importance tout à fait exceptionnelle, une crue notable avec une défaillance du système d’évacuation des crues,un séisme particulièrement fort ou une brusque élévation du niveau de l’eau dans la retenue, due par exemple à une avalanche y tombant ou à un glissement de terrain sur les rives, sont susceptibles de provoquer des dommages suffisamment importants pour que la cinétique de rupture soit très rapide et ne puisse être détectée à temps. Par ailleurs, même en cas de détection, la possibilité de vidanger la retenue reste hypothétique : il peut y avoir des problèmes d’accès (notamment en cas de séisme) ou des défaillances des organes de vidange, si les transmissions ou les vannes elles-mêmes ont été endommagées par exemple.

Les causes de rupture peuvent être diverses et souvent cumulatives :

  • techniques : vices de conception ou de construction, mauvais vieillissement des matériaux et défaut d’entretien des installations, défaut de fonctionnement des vannes permettant l’évacuation des eaux, obstruction des dispositifs d’évacuation des crues (déversoirs ou vannes), absence de dispositif permettant de suivre le comportement de l’ouvrage ;
  • naturelles : séismes, crues exceptionnelles, glissements de terrain au droit des appuis du barrage, glissements de terrain, écroulements ou avalanches dans la retenue provoquant, par élévation brusque du niveau des eaux, un déversement brutal sur la crête de l’ouvrage ;
  • humaines : insuffisance des études préalables et du contrôle d’exécution, compétence insuffisante des intervenants et dilution des responsabilités avec les services en charge du contrôle, erreurs d’exploitation, de surveillance et d’entretien, malveillance, conflit, absence d’actions des opérateurs suite à des signes précurseurs de dégradation, manques ou mauvaises interprétations du comportement de l’ouvrage.

Le risque de rupture dépend souvent, hors éventuel déficit de surveillance et d’entretien :

  • du type de barrage et de la période de construction, avec des pathologies qui leur sont fréquemment associées ;
  • de la phase d’exploitation de l’ouvrage : la phase de remplissage est la plus critique (elle représente plus de 50 % des cas d’accident) ; elle est suivie par les périodes de crues.

Les ruptures de grands barrages sont extrêmement rares, compte tenu des savoir-faire des constructeurs et des gestionnaires ainsi que des contrôles de plus en plus sévères imposés par les Etats ; elles peuvent être plus ou moins meurtrières selon l’importance de population implantée à l’aval.

Parce qu’ils sont beaucoup plus nombreux et du fait d’une grande diversité dans les qualités de conception, de réalisation ou de gestion, les ruptures de moyens et surtout de petits ouvrages sont plus fréquentes (cas par exemple en 2001 du dispositif d’écrêtement des crues de la Savoureuse conçu pour protéger l’agglomération Belfortaine (90) ainsi que Montbéliard (25) ou en 2006 de la retenue d’altitude pour enneigement artificiel de la station de Pelvoux (05), suite à une avalanche) ; les ondes de submersion sont moins intenses mais les conséquences peuvent être également graves selon la localisation des enjeux, pour les biens et pour l’environnement ainsi que, le cas échéant, pour les personnes [1].

[1] Voir Risques Infos 39, p. 38, « quelle responsabilité en cas de rupture d’une digue en cours de construction ? »

picto-pdfPh. Huet, X. Martin, M. Meunier et P. Pierron, Inspection suite aux désordres et à la rupture de bassins de rétention de la « Savoureuse » et enseignements à en tirer notamment pour le fonctionnement des services de l’Etat impliqués dans la police de l’eau sur des installations similaires : rapport consolidé après phase contradictoire, IGE, CGPC et CGGREF, 2002, 106 p. Téléchargeable sur le site www.vie-publique.fr

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Article de Paul Royet et Michel Lino « Il y a 60 ans, la rupture du barrage de Malpasset » sur le site de l’Institut des Risques Majeurs

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3  Cadre réglementaire

3.1  Une réglementation désormais unique en matière de sécurité des barrages (et des digues)

Le décret n° 2007-1735 du 11 décembre 2007 relatif à la sécurité des ouvrages hydrauliques et au Comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques et modifiant le Code de l’environnement, a profondément transformé les pratiques antérieures fondées sur divers régimes juridiques pourvus ou non de textes spécifiques qui étaient axés essentiellement sur les grands barrages. Il a été modifié par le décret 2015-256 du 12/05/2015. Par application de la loi sur l’eau du 30 décembre 2006 (article L.213-3-III du Code de l’environnement), ces décrets soumettent à une même réglementation les barrages de retenues d’une certaine dimension (classe A, B ou C du décret de 2015), quels que soient leur vocation, leur situation par rapport à un cours d’eau et leur régime juridique ainsi que quasiment toutes les digues de protection contre les inondations et les submersions.

C’est ainsi que des dispositions communes concernant la sécurité et la sûreté des ouvrages hydrauliques, qu’ils soient autorisés, déclarés ou concédés (cas des entreprises hydroélectriques d’une puissance supérieure à 4 500 kW) figurent désormais au Code de l’environnement ; elles portent sur le classement des ouvrages (articles R.214-112 / 114), l’étude de dangers (articles R.214-15 / 17), le Comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques (CTPBOH) (articles R.213-77 / 83) et les organismes agréés (articles R.214-148 / 151).

Par ailleurs, les dispositions réglementaires introduites par le décret du 11 décembre 2007 et concernant les dispositions techniques à mettre en œuvre par les constructeurs et les gestionnaires se trouvent transcrites :

  • pour les ouvrages hydrauliques autorisés ou déclarés (y compris les ouvrages inclus dans une installation soumise à autorisation en application de la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique), dans le Code de l’environnement (articles R.214-118 / 147 ; article R.214-1 (3.2.5.0 et 3.2.6.0) en ce qui concerne la mise en cohérence de la « nomenclature eau »),
  • pour les concessions et la déclaration d’utilité publique des ouvrages hydroélectriques, dans la modification notamment du décret n° 99-872 du 11 octobre 1999 approuvant le cahier des charges type des entreprises hydrauliques concédées ainsi que dans celle de son annexe.

Elles sont identiques pour une même classe d’ouvrage, indépendamment de son régime juridique, et précisent :

  • les règles relatives à l’exécution des travaux (recours à un maître d’œuvre agréé) et, pour les barrages, à la première mise en eau,
  • les règles relatives à l’exploitation et à la surveillance des ouvrages (pour tous les barrages : dossier et registre de l’ouvrage, consignes écrites, déclaration des incidents et accidents, visites techniques approfondies ; selon leur classe : rapports de surveillance, dispositif et rapports d’auscultation, revues de sûreté),
  • diverses autres dispositions (dont, à la demande du préfet, diagnostic de sûreté ou révision spéciale)

Ces décrets ont été complétés par plusieurs arrêtés (inter)ministériels et circulaires d’application.

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Voir « Les principaux textes réglementaires applicables aux ouvrages hydrauliques », Ministère de la Transition écologique.

 

 

3.2  Une sécurité sous la pleine responsabilité des propriétaires ou/et des exploitants

Les dispositions réglementaires sont celles qui sont inscrites dans le Code de l’environnement (notamment articles R214-112 et suivants) auquel il convient de se référer.

Les documents opérationnels (par exemple la circulaire d’application du 8 juillet 2008 relative aux ouvrages autorisés ou déclarés, modifiée en 2011) à disposition des services de l’État rappellent que « la sécurité de ces ouvrages, qui passe par un entretien et une surveillance réguliers, relève de la responsabilité des propriétaires ou des exploitants. L’État s’assure que les ouvrages dont il autorise l’existence ne menacent pas la sécurité des personnes et des biens. »

Il est particulièrement important d’insister sur les rôles respectifs d’une part du propriétaire ou exploitant qui est le responsable de la sécurité de l’ouvrage, et d’autre part du service de contrôle qui doit fixer avant tout des objectifs et s’assurer que le propriétaire ou l’exploitant remplit correctement ses obligations, mais ne doit pas contrôler directement l’ouvrage. Les prescriptions du policier de l’eau, sauf urgence, n’ont pas en effet vocation à se substituer aux décisions ni aux choix du responsable de l’ouvrage, et ne sont en aucun cas de nature à décharger le propriétaire ou l’exploitant de sa responsabilité, en particulier des dispositions à prendre.

Le service de contrôle intervient non seulement lors de l’instruction technico-administrative du dossier de concession, d’autorisation ou de déclaration, lors de la mise au point du projet technique et durant la construction de l’ouvrage mais aussi pendant toute la vie normale de celui-ci ainsi que pendant les évènements particuliers ultérieurs.

Si la mise en œuvre de cette nouvelle réglementation ne présente pas de difficultés particulières pour les maîtres d’ouvrage soumis depuis longtemps à des exigences de sécurité bien définies (cas par exemple des « grands barrages » ou des ouvrages concédés), s’étant souvent organisés en conséquence avec généralement mise en œuvre de procédures qualité (Électricité de France (EDF), Compagnie nationale du Rhône (CNR), sociétés d’aménagement spécialisées, etc.), elle constitue en revanche un défi pour la mise en conformité de beaucoup d’ouvrages de moyenne ou de faible importance. En effet, leurs propriétaires ne sont pas toujours suffisamment conscients du niveau d’exigence demandé aujourd’hui pour, en toutes circonstances, assurer un niveau de sécurité très élevé vis-à-vis des enjeux situés en aval, ceci indépendamment d’un volet financier pouvant parfois s’avérer lourd.

Pour sa part, l’État a réorganisé les services chargés du contrôle de la sécurité des ouvrages hydrauliques : des agents spécialisés sur le plan technique, rassemblés désormais au niveau des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), interviennent sous l’autorité des préfets de département, en coordination avec les services en charge de la police des eaux ou du suivi des concessions. Les services de contrôle peuvent faire appel, en tant que de besoin, à un pôle national d’appui technique, composé de spécialistes des ouvrages hydrauliques.

 

3.3  Le classement des barrages

Les barrages de retenue et les ouvrages assimilés, notamment les digues de canaux, sont ainsi répartis en 3 classes, selon leur importance :

 

Classe de l’ouvrage

Caractéristiques géométriques

A

H≥20 et pour lequel H2 x V0,5  ≥ 1500

B

Ouvrage non classé en A et pour lequel :

H2 x V0,5  ≥ 200 et H ≥10

C

Ouvrage non classé en A ou B et pour lequel une des deux conditions suivantes est satisfaite :

  • H2 x V0,5  ≥20 et H ≥ 5
  • H ≥ 2 et V ≥ 0,05 et présence d’une habitation à moins de 400 m à l’aval

où :

  • « H » représente la hauteur de l’ouvrage exprimée en mètres et est définie comme la plus grande hauteur mesurée verticalement entre le sommet de l’ouvrage et le terrain naturel à l’aplomb de ce sommet ;
  • « V » le volume retenu exprimé en millions de m3 et est défini comme le volume qui est retenu par le barrage à la cote de retenue normale. Dans le cas des digues de canaux, le volume considéré est celui du bief entre deux écluses ou deux ouvrages vannés.

Le ministère en charge de l’Environnement a précisé les notions d’ouvrages qu’il convenait de prendre en compte pour la mise en œuvre de la réglementation, compte tenu parfois de confusions de langage notamment entre barrages et digues ; il considère aussi que les plages de dépôt, ouvrages de type passif destinés à gérer le transport solide, relèvent de la réglementation barrage, mais non les ouvrages actifs de correction torrentielle, mis en œuvre selon la politique de restauration des terrains en montagne (circulaire d’application du 8 juillet 2008).

Le préfet peut modifier le classement d’un barrage lorsqu’il estime que, tel que prévu par les textes, il n’est pas suffisant pour assurer la prévention des risques que fait courir cet ouvrage pour la sécurité des personnes et des biens.

A titre d’information, le ministère en charge de l’Environnement estime le nombre de barrages à environ 240 en classe A, 400 en classe B, 1600 en classe C.

Remarques :

  • Au titre de la « nomenclature eau » (3.2.5.0), les barrages de retenue et les ouvrages assimilés de classes A, B ou C relèvent du régime de l’autorisation et les barrages non classés du régime de la déclaration ; toutefois, ces derniers peuvent également relever du régime de l’autorisation au titre d’un autre article de la nomenclature (par exemple, s’ils sont situés dans le lit mineur d’un cours d’eau, car entraînant alors une différence de niveau de plus de 50 cm entre l’amont et l’aval de l’ouvrage (3.1.1.0)).
  • Les ouvrages non classés ne sont pas concernés par la réglementation sur la sécurité des barrages ; néanmoins, selon leurs caractéristiques et situation, ils peuvent relever de la police des eaux et des milieux aquatiques et, de ce fait, être soumis à autorisation ou à déclaration.

 

3.4  Quelques dispositions prévues par la réglementation et concernant les barrages

Les modalités développées ci-après concernent les barrages ; pour les digues, on peut se référer à la fiche DGa8 : Ouvrages de protection collective contre les risques naturels.

  • Le rôle du CTPBOH :

Il succède au Comité technique permanent des barrages, créé en 1966 à la suite de la catastrophe de Malpasset. Regroupant différents spécialistes, fonctionnaires et non fonctionnaires, constituant un niveau d’expertise supplémentaire, parfois obligatoire, par rapport aux services de contrôle, il voit son rôle élargi, en particulier au contrôle des digues et à toute question relative à la sécurité des barrages et des ouvrages hydrauliques.

Il est obligatoirement consulté pour les barrages de classe A pour ce qui concerne les travaux de construction ou de reconstruction d’un barrage et sur les documents préalables à l’élaboration d’un Plan Particulier d’Intervention. Il peut l’être à la demande du ministre pour tout autre question relative à la sécurité des barrages et des ouvrages hydrauliques…

  • Le recours obligatoire à un organisme agréé :

Le propriétaire ou l’exploitant d’un ouvrage classé (s’il ne se constitue pas lui-même en maître d’œuvre unique) doit obligatoirement faire appel à un organisme agréé, pour tout projet de réalisation ou de modification (selon le régime juridique du barrage, articles R.214-119 / 120 du Code de l’environnement ou annexe du décret du 11 octobre 1999).

Il en est de même pour la réalisation de l’étude de dangers, pour l’analyse des données d’auscultation, ainsi que, si nécessaire et à la demande du préfet, pour un diagnostic de sûreté.

Cet agrément, distinct selon le classement des ouvrages (A et B d’une part, C  d’autre part), est donné pour une durée maximale de huit ans par un arrêté des ministres chargés de l’Energie et de l’Environnement (articles R.214-148 / 151 du Code de l’environnement).

  • L’étude de dangers :

L’étude de dangers, qui doit être réalisée par un organisme agréé, concerne tout barrage de classe A ou B. Elle constitue la synthèse de toutes les études menées lors de la conception ou au cours de la vie de de l’ouvrage pour en assurer la sécurité au cours de son exploitation. Elle doit être mise à jour périodiquement (au moins tous les 10 ans pour les barrages de classe A, tous les 15 ans pour les barrages de classe B), le préfet pouvant en outre demander des études complémentaires ou nouvelles, notamment en cas d’évènement remettant en cause les hypothèses initiales.

L’étude de dangers « explicite les niveaux des risques pris en compte, détaille les mesures aptes à les réduire et en précise les niveaux résiduels une fois mises en œuvre les mesures précitées. Elle prend notamment en considération les risques liés aux crues, aux séismes, aux glissements de terrain, aux chutes de blocs et aux avalanches ainsi que les conséquences d’une rupture des ouvrages. Elle prend également en compte des évènements de gravité moindre mais de probabilité plus importante tels les accidents et incidents liés à l’exploitation courante de l’aménagement. Elle s’appuie sur un examen exhaustif qui permet de faire un bilan de conception, de comportement et d’état des ouvrages. Elle comprend un résumé non technique présentant la probabilité, la cinétique et les zones d’effets des accidents potentiels ainsi qu’une cartographie des zones de risques significatifs. … ».

L’arrêté interministériel du 12 juin 2008 modifié le 3 septembre 2018 définit le plan de cette étude et en précise le contenu qui doit être « adapté à la complexité de l’ouvrage et à l’importance des enjeux pour la sécurité des personnes et des biens ».

  • La déclaration des accidents et incidents :

A partir de l’expérience acquise ces dernières années sur les ouvrages concédés, une échelle de gravité a été prescrite par l’arrêté interministériel du 21 mai 2010 (définissant l’échelle de gravité des événements ou évolutions concernant un barrage ou une digue ou leur exploitation et mettant en cause ou étant susceptibles de mettre en cause la sécurité des personnes ou des biens et précisant les modalités de leur déclaration).

Les évènements ou évolutions à déclarer concernant un barrage ou son exploitation sont classés en :

    • évènements importants pour la sûreté hydraulique (EISH), ayant pour conséquence soit une atteinte à la sécurité des personnes (accident, mise en danger ou mise en difficulté), soit des dégâts aux biens (y compris lit et berges de cours d’eau et retenues) ou aux ouvrages hydrauliques, soit une modification du mode d’exploitation du barrage ou de ses caractéristiques hydrauliques (cote du plan d’eau…) ;
    • évènements ou évolutions précurseurs pour la sûreté hydraulique (PSH), concernant les dysfonctionnements liés aux défaillances de « barrières de sécurité », identifiées dans une étude de dangers, pouvant entraîner la perte de fonctions de sécurité du type « retenir l’eau », « maîtriser la cote de la retenue à l’amont de l’ouvrage » ou « maîtriser le débit relâché à l’aval ».

Les EISH font l’objet d’une proposition de classement lors de leur déclaration par le propriétaire ou l’exploitant au préfet :

    • accidents, de type mortel ou avec blessures graves, ou ayant causé des dégâts majeurs, de couleur « rouge », à déclarer immédiatement ;
    • incidents graves, ayant entraîné des mises en dangers de personnes ou des dégâts importants, de couleur « orange », à déclarer dans la semaine ;
    • incidents, de moindre gravité, de couleur « jaune » à déclarer dans le mois.

Les PSH font l’objet d’une déclaration annuelle au préfet, précisant les circonstances de l’évènement, analysant ses causes et indiquant les mesures prises ou envisagées.

  • Un suivi de toutes les étapes de la vie de l’ouvrage :

Selon la classe de l’ouvrage, la réglementation impose des prescriptions plus ou moins sévères qui concernent les différentes phases de construction et de vie de celui-ci.

Outre la tenue à jour d’un dossier et d’un registre de l’ouvrage, elle impose l’existence d’un document d’organisation (notamment des consignes) et des suivis formalisés à réaliser selon une périodicité définie en fonction de la classe du barrage, avec transmission au préfet des documents correspondants :

  • rapports de surveillance incluant les comptes-rendus des visites techniques approfondies
  • rapports d’auscultation (uniquement pour les barrages de classe A, B et C),
  • déclaration de tout évènement ou évolution de nature à mettre en cause la sécurité des personnes ou des biens selon une échelle de gravité (voir ci-dessus).

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4  Mesures de prévention spécifiques

4.1  La prévention et la réduction des risques à la « source »

Tout barrage est construit pour durer mais évolue dans le temps, selon le degré de remplissage de la retenue, les saisons, le vieillissement des matériaux, etc.

Ses concepteur, réalisateur puis exploitant ont chacun pour objectif d’assurer la sécurité de l’ouvrage, tout en permettant une utilisation optimale de la capacité disponible.

L’État, par ses services de contrôle, s’assure que les responsables de tout ouvrage classé ont bien mis en œuvre tous les moyens prévus par la réglementation de façon à assurer la sécurité des biens et des personnes à l’aval, en particulier : vérification du recours à une maîtrise d’œuvre unique, indépendante au moins fonctionnellement du maître d’ouvrage, et agréée ; prise en compte de l’avis du CTPBOH ; contrôle de deuxième niveau sur les différentes étapes de la construction puis de l’exploitation du barrage ainsi que sur l’étude de dangers, les documents de suivis périodiques, le document d’organisation ; si nécessaire, au vu notamment des déclarations d’EISH et de PSH, prescription d’une révision spéciale.

  • De la conception à la première mise en eau :

Les règles ci-après résultent d’un arrêté du 15 mars 2017. Les petits barrages présentent les mêmes types de difficultés que les grands au niveau de la conception. Le maître d’œuvre devra adapter les études préalables au vu des caractéristiques du site, de l’importance de l’ouvrage et des enjeux ; parfois, compte tenu d’un certain nombre d’incertitudes ne pouvant être levées que par des études très approfondies et financièrement non acceptables, le projet sera abandonné.

Quoi qu’il en soit, le maître d’œuvre doit prendre en compte un certain nombre de paramètres dans le choix tant du site que du type de barrage, notamment : topographie et apports du bassin versant, morphologie de la vallée, conditions géologiques et géotechniques (fondations, matériaux disponibles), contexte météorologique et régime des crues, risques naturels, accessibilité.

Sur le plan de la sécurité, la connaissance de la structure et de la stabilité des terrains de fondation, la présence de risques naturels, la détermination de la crue de projet, sont des éléments importants pris en compte par le concepteur. Ce dernier arrêtera le type de barrage au vu également de critères économiques ; il dimensionnera notamment l’évacuateur de crue de façon à assurer le transit sans dommage dans la retenue de la crue de projet qui, selon l’importance de l’ouvrage et les enjeux à l’aval, pourra aller d’une fréquence décamillénale pour un ouvrage de classe A à une fréquence centennale pour un ouvrage de petite dimension (en l’absence d’enjeux particuliers).

La première mise en eau constitue une étape particulièrement importante : elle s’effectue par paliers successifs, en liaison avec le service de contrôle qui a par ailleurs eu connaissance préalablement du programme détaillé prévu. Une surveillance renforcée est alors portée au comportement des différents éléments du barrage ainsi qu’à celui des terrains d’appui et à celui des rives de la retenue. Un rapport spécifique est établi à l’issue de cette phase par le propriétaire ou l’exploitant et remis dans les 6 mois au préfet.

  • Durant la vie de l’ouvrage :

Celui-ci n’est pas inerte : il vit, travaille et se fatigue, comme toute construction. Pour prévenir toute dégradation, et a fortiori toute rupture, une surveillance constante de l’ouvrage, notamment par auscultation, est exercée. Celle-ci, qui doit être adaptée à la classe et à la nature de l’ouvrage, s’appuie sur des inspections visuelles, des mesures sur le barrage et ses appuis grâce à un appareillage mis en place lors de la construction ou complété ensuite, si nécessaire (mesures de déplacement, de fissuration, de tassement ; mesures de sous-pressions et de débits de fuite) ; des visites techniques approfondies sont prévues. Le cas échéant, des visites et examens spécifiques sont réalisés lors de la réalisation de l’étude de dangers pour les barrages des classes A et B.

Toute évolution ou anomalie peut ainsi être détectée et faire l’objet de mesures correctives et palliatives (investigations complémentaires, réparations, voire vidange partielle ou totale préventive de la retenue).

Toutes les informations recueillies par la surveillance permettent une analyse et une synthèse rendant compte de l’état du barrage, ainsi que l’établissement, tout au long de son existence, d’un « diagnostic de santé » permanent. Les rapports officiels et les constatations faites viennent ainsi alimenter le dossier de l’ouvrage ainsi que son registre, deux documents dont la tenue est obligatoire.

L’ensemble des données recueillies sur ses ouvrages par un même exploitant (EDF par exemple) lui permettent de disposer d’outils mettant en évidence des pathologies structurelles spécifiques ou des comportements particuliers à certains types d’ouvrage et ainsi de programmer au mieux les opérations de maintenance et autres.

 

4.2  La planification de l’organisation des moyens de secours en cas d’accident

Les récentes dispositions réglementaires devraient limiter le risque d’accident sur les petits et moyens ouvrages, d’autant qu’une rupture est généralement précédée de signes, d’indices ou d’informations devant faire l’objet de déclaration au préfet (voir § 3.4 ci-dessus).

 

 

 

 

 

Pour les « grands barrages », la probabilité de rupture est encore plus faible (de l’ordre de 1/10 000 par an, hors Chine). Mais les conséquences d’un tel événement seraient dramatiques.

C’est pourquoi, pour permettre la mise à l’abri de la population dans les meilleures conditions possibles en cas de menace, les dispositions spécifiques du dispositif ORSEC (Organisation de la réponse de sécurité civile) incluent notamment les plans particuliers d’intervention (PPI) portant sur les ouvrages de plus de 20 m de haut et comportant une retenue de plus de 15 millions de m3 (décret n° 92-997 du 15 septembre 1992 (modifié) relatif aux plans particuliers d’intervention concernant certains aménagements hydrauliques). Par ailleurs, le préfet peut décider, si des risques particuliers le justifient, l’établissement d’un PPI pour un ouvrage qui ne répondrait pas à ces critères.

Pour ces « grands barrages », au nombre d’une centaine en France, les PPI remplacent les anciens plans d’alerte.

A partir des dossiers techniques fournis par l’exploitant (comportant les analyses des risques, les moyens d’information et d’étude de l’onde de submersion) et validés par le CTPBOH, le préfet définit 3 zones successives :

  • la zone de proximité immédiate (ZPI), pour laquelle le temps d’arrivée des flots est incompatible avec les délais de diffusion habituels de l’alerte par les autorités et où des moyens spécifiques doivent être implantés par l’exploitant (sirènes, automates d’appel téléphonique) ;
  • la zone d’inondation spécifique (ZIS), située en aval de la précédente et s’arrêtant en un point où l’élévation du niveau des eaux est de l’ordre de celui des plus fortes crues connues ; c’est aux autorités locales de définir et de mettre en œuvre les moyens d’alerte et les mesures à prendre pour assurer la sauvegarde des populations et notamment évacuer les personnes présentes sur les zones submersibles ;
  • la zone d’inondation hors PPI (ZI), située en aval de la précédente et où l’inondation est comparable à une inondation naturelle.

L’anticipation étant la clé de voûte de tout dispositif, une montée en puissance du dispositif est prévue avec deux stades de préalerte (vigilance renforcée et préoccupations sérieuses) et deux stades d’alerte (péril imminent et rupture partielle ou totale constatée). Une coordination des actions (mesures de sauvegarde, information des populations, communication aux médias, etc.) est généralement nécessaire à l’échelle interdépartementale et à l’échelle zonale.

La démarche PPI est menée par le préfet (en s’appuyant sur son service en charge de la protection civile) en étroite concertation avec l’exploitant et le service de la DREAL en charge de la sécurité des ouvrages hydrauliques. Les élus locaux et les différents partenaires sont associés et consultés ; le public est également consulté avant l’approbation du PPI.

Les communes concernées territorialement par un PPI ont l’obligation d’élaborer un plan communal de sauvegarde (PCS) ; il permet notamment d’informer la population locale sur la conduite à tenir en situation de crise et de prévoir les dispositions pour sa mise en sécurité.

 

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Fiche DGv2 : Présentation du dispositif ORSEC

 

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Fiche DGv5 : Moyens d’alerte et d’information

 

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Fiche R8 : Plan communal de sauvegarde (PCS)

 

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Préfecture 38 (SIDPC), PPI barrage de Monteynard (275 Mm3), 2006, 26 p. Téléchargeable sur le site de la Préfecture de l’Isère

 

4.3  La maîtrise de l’urbanisation

Des servitudes d’utilité publique relatives à l’utilisation du sol peuvent être instituées, tant à l’occasion de la demande d’autorisation ou de concession que postérieurement à l’octroi de celles-ci, pour tout ouvrage hydraulique présentant un danger pour la sécurité publique. Ces dispositions prévues par la loi sur l’eau de 2006 pour les barrages neufs sont fréquentes pour les digues et les systèmes d’endiguements mais n’ont pas été mises en œuvre pour des barrages.

 

4.4  L’information des populations concernées

Outre les consultations réglementaires effectuées lors de l’instruction d’un dossier d’autorisation ou de concession d’un barrage (et concernant alors tous les volets de la réglementation en vigueur, notamment environnementale) ainsi que lors de l’élaboration d’un PPI, l’information de la population concernée sur la problématique sécurité des ouvrages l’est par diverses voies, en particulier :

  • d’une façon générale, dans le cadre du PCS ou du document d’information communal sur les risques majeurs (DICRIM), mis à disposition des populations ou consultables en mairie ;
  • par le biais des dossiers PPI « grands barrages » consultables en mairie et sur les sites internet notamment des préfectures ainsi que par les brochures réalisées par les exploitants.

Par ailleurs, l’exploitation d’un ouvrage peut entraîner à l’aval des risques particuliers (cf. l’accident survenu en 1995 lors d’une classe verte sur le Drac, en aval du barrage de Saint-Georges-de-Commiers (38), ayant fait 7 victimes) [2] ; cela peut résulter par exemple du fonctionnement automatique d’un dispositif de sécurité ou d’un dysfonctionnement. Malgré généralement des consignes d’exploitation définissant, au vu d’essais préalables, des modalités de lâchers progressifs, le risque d’une montée rapide des eaux à l’aval d’un barrage ou d’une centrale hydroélectrique est réel et peut par exemple surprendre des promeneurs dans le lit ou sur les berges du cours d’eau, qui ne respecteraient pas les panneaux d’interdiction ou d’avertissement des risques. Aussi, chaque année en période touristique, EDF mène des campagnes d’affichage et de sensibilisation spécifique sur les sites à risques : des hydro-guides vont à la rencontre du public sur le terrain et informent également les professionnels et acteurs touristiques locaux afin de les sensibiliser aux risques encourus et à leur prévention.

Enfin, la présence d’ouvrages de retenue peut contribuer à faire oublier aux élus et aux habitants riverains le risque d’inondation par crue naturelle : celui-ci demeure toujours présent à l’aval des prises d’eau et des barrages établis sur des cours d’eau. En effet, si de tels ouvrages laminent efficacement les petites ou moyennes crues, ils sont généralement sans effet sensible pour les crues plus importantes (centennales par exemple), sauf dispositions spécifiques prévues entre les pouvoirs publics et les exploitants. Ces derniers ont l’obligation d’assurer la sécurité de l’ouvrage pour éviter sa ruine en période de crues et de ne pas transférer à l’aval d’un ouvrage un débit supérieur au débit entrant ; pour les ouvrages importants, des consignes spécifiques prévoient notamment l’information régulière du préfet et du service de prévision des crues (SPC) en cas d’imminence d’un tel évènement.

[2] Libération. (6 décembre 1995). Comment le barrage du Drac a fait 7 morts. Six enfants et une accompagnatrice ont été noyés dans la rivière :  https://www.liberation.fr/france-archive/1995/12/06/comment-le-barrage-du-drac-a-fait-7-morts-six-enfants-et-une-accompagnatrice-ont-ete-noyes-dans-la-r_152926

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Fiche DGi1 : Information préventive des populations

 

Pour en savoir plus :

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DREAL Auvergne, Surveiller et entretenir un barrage – Document d’information à l’attention des responsables de barrages soumis à autorisation ou à déclaration (relevant de la rubrique 3.2.5.0), 2013, 35 p. Téléchargeable ici en pdf et sur le site de la DREAL Auvergne